Politique
 

Rédaction
8 janvier 2005

Le président Jacques Chirac a formellement déconseillé l'envoi de journalistes français en Irak, au troisième jour de la disparition à Bagdad de l'envoyée spéciale de Libération Florence Aubenas et de son interprète irakien. Lors de la cérémonie traditionnelle des voeux de la presse, le président Chirac a évoqué cette disparition: "nous sommes inquiets. Nous mobilisons naturellement tous les moyens pour obtenir des informations et pour la retrouver". Pour la première fois, le chef de l'Etat a déconseillé "formellement l'envoi de journalistes en Irak". "Dans la période actuelle, vous le savez, la sécurité de nos correspondants de presse ne peut pas être assurée en Irak. C'est ainsi. Et je veux redire que les autorités françaises déconseillent formellement l'envoi de journalistes dans ce pays", a-t-il affirmé à la suite de deux ministres, Michel Barnier et Michèle Alliot-Marie. Devant des confrères, M. Chirac est ensuite revenu sur cette disparition: "S'il y avait moins de journalistes sur place, il y aurait moins de risques. Ce n'est pas bien de mettre en cause la vie des gens". Le directeur de la rédaction de Libération, Antoine de Gaudemar, a répondu rapidement sur le site internet du quotidien: "Nous déconseiller d'aller en Irak, c'est leur boulot, ils (les responsables politiques) sont dans leur rôle". "Mais si on les écoutait, a-t-il poursuivi, il n'y aurait plus aucun journaliste dans les zones de guerre et des pans entiers de la planète deviendraient aveugles, faute de témoins. Couvrir les guerres, envoyer des journalistes raconter ce qu'ils voient, c'est défendre le rôle des médias dans la démocratie". Un avis que ne partage pas le journaliste et ex-otage Georges Malbrunot. "Est-ce qu'on peut exercer encore son métier à Bagdad aujourd'hui dans le pays sunnite? Envoyer des journalistes dans ces pays, n'est-ce pas faire le jeu des ravisseurs qui n'attendent que cela", s'est-il interrogé. Les rédactions françaises sont en tout cas plus que jamais écartelées entre le devoir d'information et le souci de sécurité pour les journalistes envoyés en Irak. Les responsables des rédactions évoquaient vendredi des pauses dans l'envoi de journalistes en Irak, le choix de privilégier les zones chiites moins dangereuses, ou encore de travailler à partir de la Jordanie. Au siège de Libération, l'inquiétude grandit sur le sort de Florence Aubenas, 43 ans, décrite unanimement comme une "grande professionnelle", très confraternelle. C'est en raison de ce climat que le vote du personnel sur l'entrée au capital du financier Edouard de Rothschild, prévu mardi, a été reporté, en principe au 19 ou au 20 janvier. Sur les circonstances de la disparition mercredi matin à la sortie de son hôtel, de la journaliste et de son interprète irakien, le patron et fondateur de Libération Serge July a estimé qu'il fallait "vérifier toutes les hypothèses" et qu'"aucune n'est privilégiée". "Parmi les hypothèses que nous avons partagées avec les autorités françaises, il y avait la possibilité qu'ils aient eu un accident de voiture, comme il y en a beaucoup à Bagdad et dans les environs (...) ou qu'ils aient été pris dans dans une rafle de la police irakienne, ou encore, autre hypothèse, que dans un contrôle à un check point américain, ils aient été emmenés pour vérification". M. de Gaudemar, interrogé par l'AFP vendredi en fin d'après-midi, a indiqué que le "tour des hôpitaux (à Bagdad) est pratiquement terminé et ne donne rien". "On est dans le noir, on ne sait même pas de quoi il retourne", a-t-il déploré.

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