Satellites
 

Rédaction
3 février 2007

Froid, l'espace ? Pas assez pour les constructeurs du satellite européen Planck, qui ont dû concevoir un système de refroidissement d'une complexité inédite pour espérer remplir leur mission: cartographier le rayonnement fossile de l'Univers des origines. Planck, qui sera lancé à l'été 2008 par une fusée Ariane en compagnie du télescope spatial Herschel, est actuellement en cours d'assemblage dans l'usine Alcatel Alenia Space de Cannes (Alpes maritimes).L'engin mesurera d'infimes variations de température du rayonnement laissé par l'explosion primordiale qui a donné naissance à l'Univers tel que nous le connaissons: le Big Bang. Deux satellites américains s'y sont déjà frottés: Cobe, lancé en 1989, et WMAP, lancé en 2000 et toujours en fonctionnement. Mais Planck sera 30 fois plus sensible que WMAP et 1.000 fois plus que Cobe, souligne Jean-Michel Lamarre, directeur du Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique (Observatoire de Paris). L'objectif des trois missions est de cartographier l'Univers tel qu'il existait 300.000 ans après le Big Bang, quand la matière et la lumière se sont dissociées. D'opaque, l'Univers est alors devenu transparent... et donc observable. Connaître sa structure d'alors permettra aux scientifiques de préciser les quelques grands paramètres qui régissent le monde d'aujourd'hui. Mais l'Univers s'est dilaté au cours des derniers 13,4 milliards d'années. Le rayonnement fossile a vu sa longueur d'ondes augmenter, à la manière d'un élastique que l'on tire. Cet Univers primitif n'est plus étudiable dans le spectre visible, mais il le reste dans les micro-ondes. Lourd de deux tonnes, Planck emportera deux détecteurs à micro-ondes. Le LFI, dont la maîtrise d'oeuvre est assurée par l'Italie, s'inscrit dans la continuité de Cobe et de WMAP. Plus novateur, le HFI, de conception française, s'intéressera aux micro-ondes haute fréquence, encore inexplorées. HFI repose sur l'emploi de bolomètres, des détecteurs qui, soumis à un rayonnement, "chauffent" et produisent un signal électrique. La technologie permet une grande précision, mais n'a jamais utilisée dans l'espace. Un cauchemar pour les ingénieurs: on demande à ces capteurs de mesurer des températures au millionième de degré près, alors que "tout l'environnement autour - le satellite lui-même, le Soleil, la Terre, les étoiles - est chaud", soupire François Bouchet, de l'Institut d'astrophysique de Paris. "C'est comme vouloir repérer depuis la Terre la chaleur d'un lapin sur la Lune, tout en étant capable d'éliminer celle de l'homme situé à un mètre du détecteur", renchérit M. Lamarre, inventeur principal du HFI. Bourré d'électronique, Planck irradie de la chaleur, alors que des observations de qualité exigent un environnement proche du zéro absolu (-273° Celsius), plus froid encore que l'espace environnant (-270°). Les ingénieurs ont donc du concevoir un système cryogénique à quatre niveaux, qui ramène la température autour du HFI 0,1° au dessus du zéro absolu. Le coeur de Planck sera alors l'objet le plus froid de l'Univers, s'enorgueillit Jean-Jacques Juillet, chef du projet chez Alcatel Alenia Space. Totalement nouveau, le dernier composant de la chaîne de refroidissement a été breveté par le Centre national d'études spatiales. Il consiste à injecter deux isotopes d'hélium (He4 et He3), qui créent du froid en se mélangeant. L'hélium 3 est très rare sur Terre et Planck en exige une année de production mondiale. Problème: les prix ont doublé sur le marché et le budget de la mission - 600 millions d'euros - ne prévoit pas un tel surcoût.

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