Un sentiment de malaise, dont témoignent les médias et les observateurs, domine en Europe face aux images choc de la pendaison de Saddam Hussein, diffusées samedi en boucle par toutes les chaînes de télévision. Les images du dictateur irakien déchu, s'avançant vers une trappe, une épaisse corde au cou, entouré de bourreaux encagoulés, horrifient un continent qui ne pratique plus la peine de mort, même si l'instant même de la mort de Saddam a été censuré sur les écrans. "Les images de Saddam Hussein avec une corde autour du cou sont extrêmement dérangeantes et n'étaient pas indispensables", s'est insurgé Menzies Campbell, le leader du deuxième parti d'opposition britannique, les Libéraux démocrates, opposés à la guerre en Irak. Patrick Baudouin, président d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) "ressent de la répulsion face à des images d'un voyeurisme extrêmement malsain", qui lui rappellent l'exécution du dictateur roumain Nicolae Ceaucescu en 1989. "La vidéo de l'exécution choque le monde entier", observe aussi dimanche le quotidien populaire autrichien Österreich, tandis qu'El Mundo en Espagne déplore que le gouvernement irakien ait "transformé l'exécution de Saddam en spectacle télévisé". Pour George Galloway, un député britannique qui s'est distingué par ses prises de position contre la guerre en Irak, le renversement de Saddam Hussein "s'est terminé par un lynchage sordide". "Je pense qu'on a montré ces images comme un symbole, pour montrer que c'était la fin de Saddam", commente Nadim Shehadi, chercheur spécialiste du Moyen Orient au centre de recherche londonien Chatham House. Même si "pour le regard européen les images peuvent être choquantes, elles ne le sont pas aux yeux des Américains", plus habitués aux exécutions capitales, relève M. Shehadi. Sir Malcolm Rifkind, ancien ministre britannique des Affaires étrangères est plus modéré: "Je pense que cela témoigne d'un certain manque de goût, mais je vois pourquoi on a estimé qu'il y avait un besoin politique de montrer" la pendaison, dit-il. "C'était pour un public arabe et il y a toujours une grande méfiance envers les informations des médias là bas", argumente l'ancien ministre. Ann Clwyd, député travailliste et envoyée de Tony Blair en Irak pour les droits de l'Homme, souligne que même si elle est personnellement opposée à la peine de mort, elle comprend pourquoi les Irakiens pouvaient être heureux de voir la mort de Saddam. Beaucoup des victimes verront l'exécution comme un élément d'"un processus thérapeutique", relève-t-elle. Une analyse que semble confirmer Zara Mohammed, une irakienne exilée à Londres qui a observé ces images à la télévision. "J'ai attendu cela pendant 25 ans", dit cette Kurde qui a perdu quatre de ses frères sous le régime de Saddam Hussein. Mais "je ne suis pas heureuse parce qu'on n'a pas montré sa mort devant le peuple. Je voulais assister à ce moment", ajoute-t-elle, citée par l'agence Press Association. Plusieurs voix avertissent cependant du danger que présentent ces images dans un Moyen Orient profondément divisé. Pour George Galloway, elles vont devenir "la plus grande erreur politique" depuis la diffusion des photos d'Ernesto Che Guevara, exécuté en 1967 en Bolivie avec l'aide des Etats-Unis et devenu depuis une icône des révolutionnaires sud-américains. Saddam a enfin réussi à obtenir ce qui lui avait manqué pendant son existence: "le statut de martyr et de héros arabe", assure M. Galloway, expulsé du parti travailliste en 2003 à cause de ses critiques sur la guerre en Irak et qui affiche ses liens avec l'ancien dictateur. Le quotidien grec Kathimérini juge aussi que son exécution risque de transformer Saddam Hussein en "symbole du nationalisme arabe".
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