La nouvelle émission de télé-réalité en Thaïlande ne réunit pas des stars effectuant quelque exploit ni des couples déployant des prouesses sexuelles mais plutôt le Premier ministre cuisinant pour des paysans ou servant le petit-déjeuner à des bonzes. Dans "Show en coulisses: le Premier ministre", Thaksin Shinawatra, milliardaire dont la famille contrôle un empire des télécommunications, se met en scène sous les traits d'un Thaïlandais ordinaire vivant dans la région d'Isaan, une des plus pauvres du pays. Vingt-quatre par jour, filmé par 40 caméras et une équipe de 100 personnes, on le voit conduire un tracteur pour aller à une rencontre avec des agriculteurs, leur faire la cuisine, servir le petit-déjeuner à des bonzes et donner des conseils aux habitants sur la meilleure manière de gagner de l'argent. Evoquant un "enseignement à distance", le Premier ministre assure que l'émission télévisée est destinée à former les hauts fonctionnaires des autorités. Les gouverneurs provinciaux et les responsables gouvernementaux devraient écouter à la télévision ses conversations avec les paysans en les considérant comme "un devoir de classe" sur la meilleure manière de lutter contre la pauvreté. "Je me concentre sur l'efficacité (de l'émission). Je ne vise pas les agriculteurs mais les autorités gouvernementales", explique M. Thaksin. Ses détracteurs y voient plutôt le coup de pub d'un millionnaire politicien cherchant à relancer sa popularité après cinq ans à la tête du gouvernement. Rebaptisant le show "Thaksin Fantasia", une allusion à une émission populaire nommée "Academy Fantasia", les opposants accusent le Premier ministre d'avoir soudainement épousé les conditions de vie rurales afin de se faire aimer d'une population qui constitue sa base élecorale. Le show intervient peu après une manifestation altermondialiste à Bangkok durant laquelle quelques contestataires ont pénétré dans les bureaux du gouvernement. "L'émission télévisée ne peut pas aider Thaksin à échapper à ses problèmes de corruption et également à son échec à résoudre les problèmes dans les provinces du Sud", estime Chaiyan Chaiyaporn, politilogue à l'Université Chulalongkorn à Bangkok. Un millier de personnes ont été tuées dans le Sud, région à majorité musulmane dans un pays bouddhiste, dans des violences attribuées à une insurrection séparatiste, la corruption et le crime organisé. Les troubles se poursuivent depuis deux ans malgré l'instauration de l'état d'urgence et une politique de fermeté voulue par Thaksin. Ces violences ont coûté au dirigeant une bonne partie de la popularité qui avait mené à sa réélection en février 2005 avec une écrasante majorité de 77%. Tous n'ont pas la dent aussi dure avec la nouvelle télé-réalité à la Thaksin. Sirirat Choonhakla, politologue à l'Université Mahidol, avoue regarder régulièrement l'émission et croire qu'elle pourra servir aux responsables locaux. "En Thaïlande, nous avons vraiment un problème d'administration. Nous ne coopérons pas très bien avec elle", explique-t-elle, estimant que Thaksin tente de montrer que son style de gestion proche du management d'entreprise peut améliorer le travail des hauts fonctionnaires.
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