CNN
 

Rédaction
14 février 2005

Le directeur de l'information de la chaîne américaine CNN, Eason Jordan, a démissionné, mettant un point final à une controverse qui ne cessait d'enfler depuis qu'il avait laissé entendre que des troupes américaines avaient pris des journalistes pour cibles en Irak. "Après 23 ans à CNN, j'ai décidé de démissionner pour tenter d'empêcher CNN d'être injustement terni par la controverse sur les échos contradictoires donnés à mes récentes remarques sur le nombre alarmant de journalistes tués en Irak", explique M. Jordan dans sa lettre. Participant à une conférence sur la démocratie et les médias lors du forum économique mondial de Davos il y a deux semaines, M. Jordan a été accusé par plusieurs commentateurs d'avoir affirmé que des militaires américains avaient "délibérément pris pour cibles et tué des journalistes en Irak". En l'absence de compte-rendu verbatim de la conférence, M. Jordan dément avoir tenu ces propos, tout en admettant, dans une lettre à la rédaction publiée sur le site de CNN, que ses déclarations "n'avaient pas été aussi claires qu'elles auraient dû l'être". "Je n'ai jamais voulu laisser entendre que les soldats américains aient agi de façon délibérée quand ils ont accidentellement tué des journalistes, et je présente mes excuses à quiconque croirait que je l'ai dit ou pensé", continue M. Jordan, 44 ans. Il rappelle avoir accompagné les forces américaines à de nombreuses reprises dans sa carrière, y compris en Irak, à Bagdad, Tikrit et Mossoul. A en croire le sénateur Chris Dodd, qui assistait à la conférence, M. Jordan avait suscité des réactions outrées avec ses déclarations, mais il s'était ensuite repris. "On comprenait plutôt que (les journalistes) avaient été victimes de dommages collatéraux, ce que personne ne peut contester", selon M. Dodd, interrogé cette semaine sur une émission de radio. Selon l'animateur du débat David Gergen, lui-même journaliste et commentateur, M. Jordan avait dans un second temps "clairement précisé que les autorités américaines n'avaient pas pour règle de viser ou blesser des journalistes", une profession qui a perdu 63 des siens en Irak. "J'essayais de faire la différence entre les +dommages collatéraux+ et les gens qui se sont faits tuer autrement", avait lui-même indiqué M. Jordan dans un entretien au Washington Post de cette semaine. Il faisait apparemment référence au bombardement américain qui avait tué le 8 avril 2003 deux journalistes séjournant à l'Hôtel Palestine, et aux tirs ayant visé un caméraman près de la prison d'Abou Ghraib. Le Pentagone a invoqué la légitime défense pour ces tirs, mais l'association Reporters sans Frontière avait protesté contre cette explication, tout en reconnaissant qu'il ne s'agissait pas de "tir délibéré contre des journalistes". C'est la deuxième fois en quelques mois que M. Jordan était mis en cause pour des déclarations sur l'Irak. Il avait déjà été très critiqué dans les milieux conservateurs pour avoir reconnu avoir eu connaissance d'atrocités commises sous le régime de Saddam Hussein, qu'il avait préféré passer sous silence de peur de mettre en danger la vie de ses informateurs. "On s'en est pris à lui comme un symbole d'une chaîne considérée comme trop à gauche par certains", a déploré M. Gergen, en référence à la dernière controverse.

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