Les alévis turcs d'Allemagne sont en colère après un épisode de la série policière "Tatort" diffusé dimanche et figurant une affaire de sévices sexuels au sein de leur communauté religieuse : ils ont porté plainte pour incitation à la haine, manifestent et réclament des excuses. Un millier de personnes ont protesté jeudi à Berlin devant le siège de la chaîne publique ARD qui a diffusé dimanche l'épisode incriminé de la célèbre série allemande, et une grande manifestation est prévue samedi à Cologne (ouest). Les organisateurs espèrent rassembler 20.000 à 30.000 personnes dans cette ville rhénane où vit une importante communauté turque (un tiers des quelque deux millions de Turcs d'Allemagne appartiendraient à la minorité religieuse des alévis). Des cars doivent être affrétés dans tout le pays, et même en Suisse et en Autriche. Le Centre culturel berlinois des alévis anatoliens avait appelé à manifester jeudi à Berlin, après avoir porté plainte pour incitation à la haine raciale auprès de la police, qui a ouvert une enquête. La plus importante organisation musulmane en Allemagne, le DITIB d'obédience sunnite, qui dépend du ministère des affaires théologiques de l'Etat turc et représente 860 associations, a apporté son soutien aux alévis, en demandant à l'ARD de présenter des excuses à "l'ensemble de la communauté musulmane" et d'empêcher toute rediffusion de l'épisode contesté. La communauté alévie considère que l'épisode renforce les clichés en matière d'inceste, clichés dont elle est victime depuis plusieurs siècles de la part des sunnites. Sur des pancartes, les manifestants à Berlin, dont beaucoup de jeunes Turcs, ont réclamé des excuses de la chaîne de télévision. Le Centre culturel avait auparavant tenté en vain de faire empêcher la diffusion de l'épisode, écrit le journal Berliner Morgenpost. Mais la chaîne NDR, productrice, a argué de la "liberté de la presse" et maintenu la diffusion. Elle a toutefois ajouté dans le générique de début qu'il s'agissait d'une "histoire fictive". Plusieurs autres plaintes doivent être déposées dans différents Länder (Etats régionaux) après les jours fériés de la fin d'année, a dit le secrétaire général de la communauté alévie, Ali Ertan Toprak. "Nous respectons la liberté artistique, mais elle ne doit pas bafouer la dignité d'une minorité", a-t-il déclaré au quotidien Taz. La chaîne NDR a proposé "un dialogue" aux alévis. "Heurter des sentiments religieux" ou "faire le lit de préjugés" n'était aucunement l'objectif de l'épisode, a assuré le directeur des programmes, Volker Herres. La réalisatrice du film, Angelina Maccarone, a assuré de son côté avoir veillé à la "nuance" et avoir voulu mettre en relief "les différences" qui existent au sein de la population immigrée. La cinéaste de 42 ans a expliqué n'avoir rien su des reproches séculaires d'inceste faits aux alévis et n'avoir découvert cet aspect historique qu'à la suite des protestations engendrées par son scénario. Reste que la question des sévices sexuels doit, d'après elle, pouvoir être abordée au sein de n'importe quelle communauté. Dans le scénario qu'elle a écrit, un père de famille alévie abuse sexuellement de sa fille qui se tourne en réaction vers le sunnisme. Il met l'une de ses filles enceinte et tue l'autre. Les alévis appartiennent à une branche dissidente du chiisme. Les femmes ne portent pas le voile, la communauté ne fait pas le pèlerinage à La Mecque ni ne reconnaît la charia. Entre 15% et 25% de la population musulmane de Turquie serait alévie.
Rédaction
30 décembre 2007
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