Anne-Sophie Lainnemé, 27 ans, est devenue en quelques semaines, en partie malgré elle, le symbole médiatique des "petits" internautes pris dans la nasse judiciaire déployée par l'industrie du disque dans sa guerre contre le piratage sur la Toile. Cette habitante de Rennes (Ille-et-Vilaine) figure parmi la cinquantaine de personnes visées en France depuis juin par des plaintes pour avoir échangé illégalement des fichiers musicaux via les réseaux "peer-to-peer" ("poste à poste", P2P). Mais elle est la seule à accepter de témoigner à visage découvert. Anne-Sophie Lainnemé, qui travaillait dans la communication pour un théâtre avant de se retrouver au chômage, le fait d'ailleurs posément et avec un certain talent, dans la presse quotidienne, à la radio comme à la télévision, jusqu'à faire récemment la une d'un hebdomadaire culturel à grand tirage. Le 21 septembre dernier, la jeune femme était entendue par des enquêteurs du SRPJ (Service régional de police judiciaire) de Rennes. "Ils m'ont annoncé que la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) avait déposé une plainte contre X pour téléchargement et mise à disposition de musique sur internet et, qu'après enquête, je faisait partie des X", explique Anne-Sophie Lainnemé. "J'étais complètement abasourdie, entre le rire et les larmes", se souvient la jeune femme, soulignant que la loi prévoit dans son cas des peines pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende. La police et la justice, qui ont momentanément saisi le disque dur de son ordinateur, lui reprochent d'avoir téléchargé de manière illicite 1.200 titres de musique via la plate-forme kazaa. Anne-Sophie Lainnemé reconnaît les faits, mais proteste de sa bonne foi: ayant souscrit un forfait haut débit depuis peu, elle dit avoir agi en parfaite méconnaissance de cause, grisée par "un nouveau jouet". Surtout, elle pense avoir des arguments à faire valoir. "En fait, grâce à mes téléchargements, j'ai découvert (ou redécouvert) des artistes dont j'ai acheté par la suite soit les CD, soit des places de concerts", a-t-elle écrit dans une "lettre ouverte à la SCPP", citant notamment, pêle-mêle, Bénabar, Vincent Delerm, Emilie Simon, Jeanne Cherhal, Erik Truffaz et Poppa Chubby. Ironie de l'histoire, parmi les artistes piratés par Anne-Sophie Lainnemé - pour sa soeur, affirme-t-elle - figure aussi Michel Sardou, "qui ne fait pas précisément partie de mon univers musical", dit-elle avec amusement.
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