Un journaliste vedette de la chaîne de télévision qatariote Al-Jazira, Tayssir Allouni, a été interpellé hier dans la province de Grenade (sud) par la police nationale espagnole dans le cadre d'une enquête sur le "terrorisme islamiste", a-t-on appris de source policière. L'interpellation a été effectuée sur ordre du juge Baltasar Garzon, qui instruit un dossier sur le démantèlement en novembre 2001 d'une cellule de militants islamistes liés à Al Qaïda, a-t-on précisé de même source. Le journaliste, qui possède la double nationalité syrienne et espagnole, se trouvait vendredi après-midi en garde à vue au commissariat de Grenade dans l'attente d'un transfert à Madrid "dans les prochaines heures" pour être déféré, vraisemblablement dans deux ou trois jours, devant le magistrat de l'Audience nationale, principale instance pénale espagnole. Tayssir Allouni, qui travaille au siège de la chaîne qatariote à Doha, a été interpellé à son domicile familial de Alfacar (à 7 km au nord-est de Grenade) vers 11h30 locales (09h30 GMT) selon l'un de ses fils. Le journaliste est soupçonné d'avoir eu des relations avec des personnes liées à l'organisation terroriste Al-Qaïda, notamment Imad Eddine Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah, arrêté en tant que chef présumé d'une cellule islamiste démantelée en Espagne en novembre 2001. Les huit membres de cette cellule, incarcérés en Espagne, sont soupçonnés d'avoir pris part à la préparation et l'organisation des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. La justice américaine n'a toutefois pas demandé leur extradition. Le procureur Pedro Rubira du parquet de l'Audience nationale et le juge Garzon soupçonnent Tayssir Allouni d'avoir participé "à l'organisation, au soutien et à l'infrastructure de cette cellule", a-t-on appris de source de la lutte antiterroriste. Les deux magistrats lui reprochent aussi "l'approvisionnement en fonds d'Al Qaïda en Afghanistan" alors qu'il était correspondant à Kaboul de la chaîne Al-Jazira, pendant la guerre de 2001, selon le mandat d'arrêt, cité par la même source. A Doha, Al-Jazira a dénoncé vendredi l'arrestation de son journaliste vedette qui, selon la chaîne de télévision qatariote "constitue une nouvelle étape dans les tracasseries dont sont victimes les journalistes en général et ceux d'Al-Jazira en particulier", a déclaré le porte-parole de la chaîne, Jihad Blout. M. Blout a ajouté que "la chaîne a désigné un avocat pour Allouni et tente actuellement de contacter les autorités espagnoles ainsi que les ONG internationales chargées de la défense de la liberté de presse". La femme de Tayssir Allouni, Fatima, a déclaré sur la chaîne de télévision espagnole CNN+ que son mari était à Grenade depuis deux mois. "Vous croyez qu'il va se mettre dans la gueule du loup s'il devait se cacher de quelque chose", a-t-elle déclaré. Fin octobre 2001, le quotidien El Pais avait affirmé que la police espagnole avait espionné ce journaliste pendant plus d'un an en raison de "ses liens" avec des islamistes radicaux et notamment avec Oussama ben Laden. Son téléphone avait notamment été placé sous écoute par ordre judiciaire lorsqu'il travaillait à Grenade, jusqu'en février 2000, au service arabe de l'agence espagnole EFE, dont des dirigeants avaient été informés de la surveillance, selon la même source. Toujours selon El Pais, l'enquête policière espagnole à l'encontre du journaliste, commencée en 1999 à la demande du FBI, s'était achevée sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui. Tayssir Allouni a ensuite été correspondant de Al-Jazira pendant la guerre en Afghanistan et il s'était notamment rendu célèbre en retransmettant via la chaîne arabe des vidéos d'Oussama ben Laden, menaçant les Etats-Unis de nouveaux attentats, après ceux du 11 septembre. Il a également travaillé à Bagdad, en avril dernier, à la fin de la guerre d'Irak.
Rédaction
6 septembre 2003
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