Haro sur la Beeb: la garde rapprochée de Tony Blair a, dès la mort de David Kelly confirmée, tiré à boulets rouges sur la BBC, qui a qualifié l'expert gouvernemental de "principale source" de ses informations sur le dossier irakien "gonflé" par Downing Street. Ce coup de théâtre, qui complique encore une situation déjà très confuse, risque de nuire à la radio-télévision publique britannique, "Auntie" (Tantine), comme la surnomment affectueusement les Britanniques. Le 29 mai, un journaliste de la BBC, Andrew Gilligan, citant un responsable anonyme, avait affirmé que le dossier sur les armes de destruction massive (ADM) irakiennes de septembre 2002 avait été dramatisé à la demande d'Alastair Campbell, le directeur de la communication de Tony Blair. M. Campbell a toujours démenti ces allégations et une commission parlementaire l'a lavé du soupçon d'"influence indue" dans cette affaire. Les reportages d'Andrew Gilligan ont donné lieu pendant plusieurs semaines à de vifs échanges entre Downing Street et la BBC, chacun accusant l'autre de mentir. Depuis le début de cette polémique, qui s'est envenimée avec l'apparent suicide du Dr Kelly, la BBC a été critiquée par les hommes politiques de tout bord. Dimanche dans l'Observer, l'une des éminences grises de Tony Blair, l'ancien ministre Peter Mandelson, s'est à son tour livré à un virulent réquisitoire contre la BBC et son rôle dans l'affaire Kelly. "C'est l'obsession de la BBC (envers Alastair Campbell) qui -plus que toute autre chose- a conduit à la rupture des relations entre le gouvernement et le principal média audiovisuel public. Avec le résultat qu'on a vu", a affirmé M. Mandelson. Le président de la commission chargée de la Culture et des médias à la chambre des Communes, le travailliste Gerald Kaufman, a pour sa part dénoncé le comportement "déplorable" de la BBC. "La façon dont la BBC s'est comportée (...) illustre la nécessité de faire le point sur sa direction et la façon dont elle traite l'information", a-t-il dit, avant de demander la démission de Greg Dykes, directeur-général de la radio-télévision publique. "Je pense que la BBC doit à présent se regarder longuement et sérieusement dans la glace", a pour sa part lâché Eric Illsley, membre travailliste de la commission des Affaires étrangères. Le député conservateur de la circonscription où vivait David Kelly, Robert Jackson, a été encore plus sévère: "je pense que la BBC est responsable de (la) mort (du Dr Kelly). S'ils avaient fait cette déclaration avant son suicide, je ne pense pas qu'il serait mort", a-t-il affirmé. La Beeb, qui est dirigée par deux sympathisants du Labour (le directeur-général Greg Dykes et le président Gavyn Davies) est coutumière de ce genre d'attaques. Louée dans le monde entier pour son professionnalisme et son indépendance éditoriale, elle avait déjà été vilipendée en Grande-Bretagne pour sa couverture de la guerre des Malouines, en 1982. Le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher avait ainsi reproché à la BBC de faire la part belle aux points de vue argentins et de ne pas défendre assez les positions britanniques. La récente guerre en Irak lui a valu de nouvelles volées de bois vert, les travaillistes proches de Tony Blair et l'opposition conservatrice lui reprochant de noircir exagérément la situation sur le terrain, d'accorder trop d'importance à la résistance irakienne. Dimanche dernier, le conseil des gouverneurs de la BBC, des "sages" chargés de veiller au respect des intérêts des téléspecteurs, avait pourtant apporté son soutien à la direction et aux journalistes de l'organisme public. Les informations révélées par Andrew Gilligan étaient "dans l'intérêt du public", avait souligné le conseil des gouverneurs.
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