La télévision satellitaire du Qatar Al-Jazira a annoncé jeudi avant l'aube la suspension des activités de ses correspondants en Irak, à la suite d'une décision des autorités irakiennes d'interdire à deux de ses journalistes de travailler dans le pays. La chaîne satellitaire arabe d'information en continu, la plus suivie au Moyen-Orient, a indiqué néanmoins qu'elle continuerait de diffuser des images en direct et préenregistrées en provenance de ses bureaux à Bagdad, Bassorah (sud) et Mossoul (nord). Le présentateur du journal télévisé d'Al-Jazira de 02h00 locales (mercredi 23H00 GMT) a annoncé que le ministère irakien de l'Information avait informé la chaîne que son correspondant à Bagdad, Diyar al-Omari, avait été "interdit de poursuivre son travail de journaliste" et qu'un autre de ses correspondants, Tayssir Allouni, avait été sommé de quitter l'Irak "le plus vite possible". Il a précisé que le ministère irakien n'avait donné "aucune justification" à sa décision. Al-Jazira "regrette" cette décision "surprenante et injustifiée", a ajouté le présentateur. La télévision a, en conséquence, décidé de "suspendre jusqu'à nouvel ordre les activités de tous ses correspondants en Irak", mais continuera de diffuser des images en direct et préenregistrées en provenance de Bagdad, Bassorah et Mossoul, a-t-il ajouté. Après l'annonce d'Al-Jazira, la télévision qatariote a montré des images en direct de la capitale irakienne, commentées par le présentateur du journal télévisé à Doha. Cette annonce est rappelée aux téléspectateurs au début de chaque journal télévisé. Pourtant le bureau à Bagdad d'Al-Jazira semblait bénéficier parfois de la faveur des autorités pour la retransmission de scènes de sites bombardés. "Où est Al-Jazira?", avait demandé récemment le ministre de l'Information Mohammad Saïd Al-Sahhaf en emmenant un groupe de journalistes sur le site d'un palais présidentiel bombardé. Ce traitement de faveur s'accompagnait d'une diligence dans la diffusion des messages télévisés du président Saddam Hussein et des conférences de presse données par les dirigeants irakiens à Bagdad depuis le début de la guerre le 20 mars. Au total, Al-Jazira dispose de huit équipes en Irak. Elle est en outre la seule à être présente à Bassorah, la grande métropole du sud aux portes de laquelle campent les forces de la coalition américano-britannique. Depuis le début des hostilités, les images d'Al-Jazira ont été retransmises, avec le logo de la chaîne, par plusieurs télévisions de renommée internationale, dont l'Américaine CNN, aujourd'hui interdite d'opérer depuis Bagdad. Al-Jazira, lancée en 1996, a annoncé le 26 mars que son audience avait augmenté de 10% depuis le début de la guerre et l'un de ses responsables a affirmé qu'elle avait attiré quelque 4 millions téléspectateurs supplémentaires, en plus de ses 40 millions à travers le monde. Cette télévision avait été critiquée par Washington, Londres et ailleurs en Occident, après la diffusion le 23 mars d'images reprises de la télévision d'Etat irakienne et montrant des corps ensanglantés et des prisonniers de guerre aux mains de l'Irak, présentés comme des Américains. Al-Jazira a acquis sa notoriété en couvrant la guerre en Afghanistan en 2001 et en diffusant en quasi-exclusivité des cassettes vidéo ou sonores du chef du réseau terroriste Al-Qaïda, Oussama ben Laden. La chaîne qatariote se caractérise en outre par un franc-parler qui n'a cessé de froisser des régimes arabes, dont certains ont exprimé leur mauvaise humeur par le rappel de leurs ambassadeurs en poste à Doha.
Rédaction
4 avril 2003
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