Le correspondant de Radio France internationale (RFI) en Côte d'Ivoire Jean Hélène, 50 ans, a été tué par balle hier soir par un policier à proximité du siège de la police nationale à Abidjan. Le correspondant de RFI se trouvait près de la Direction générale de la police nationale (DGPN), où il attendait la sortie de onze opposants qui venaient d'être remis en liberté après plusieurs jours de garde à vue pour les interviewer. Jean Hélène a été touché par balle à la tête, a indiqué une source policière, selon laquelle une autoposie devrait rapidement être ordonnée. Un policier, auteur présumé de l'homicide, a été mis aux arrêts et était interrogé dans la nuit de mardi à mercredi au siège de la police, a-t-on ajouté de même source. Selon un témoin, qui a souhaité garder l'anonymat de craintes de représailles, un policier est venu signaler à ses supérieurs qu'un "blanc était assis dans sa voiture en train de téléphoner et qu'il disait être journaliste". "Son chef lui a dit qu'il fallait le laisser et le policier est redescendu", a affirmé ce témoin, qui a entendu un coup de feu peu après. Le président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Seydou Diarra et le ministre de la Sécurité Martin Bléou, ainsi que l'ambassadeur de France Gildas Le Lidec se sont rendus sur les lieux dans la soirée. Jean Hélène, qui sillonnait le continent noir depuis plus de dix ans pour RFI, "avait un amour fou de l'Afrique qu'il avait marié à son amour du journalisme", a témoigné le directeur de l'information de RFI, Jérôme Bouvier, "abasourdi" par la mort de son "collègue et ami". De son vrai nom, Christian Baldensperger, Jean Hélène collaborait à RFI depuis 1990. De 1990 à 1998, il est correspondant à Nairobi pour l'Afrique orientale et l'Océan indien pour RFI et le quotidien français Le Monde. Après un séjour au service Afrique à Paris, il est envoyé en 1999 à Libreville, comme envoyé spécial permanent de RFI, chargé de l'Afrique centrale. En février 2002, il est nommé adjoint au directeur de la rédaction en français, puis en avril rédacteur en chef du service Afrique par intérim de RFI. Jean Hélène était depuis plusieurs mois correspondant de RFI à Abidjan. Il avait notamment couvert les guerres du Rwanda, de RDCongo, de Somalie ou du Liberia. Il collectionnait les masques, les statuettes et les tissus africains. L'organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) a exigé la "vérité". "Il faut qu'une enquête indépendante soit menée et qu'une autopsie révèle les circonstances exactes de ce drame", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. La direction de RFI, qui a annulé dans la nuit toutes ses émissions et diffusé de la musique classique, a exprimé sa "stupeur". "Nous allons nous rendre dès demain (mercredi) à Abidjan pour demander aux autorités tous les éclaircissements nécessaires sur la mort de notre confrère et ami. C'est un homme qui agissait sous autorité qui a perpétré cet assassinat", a déclaré Jérôme Bouvier. Jean Hélène "souhaitait tout simplement faire son métier. Il n'y avait ni situation de violence ni panique qui pourraient justifier un tel acte", a-t-il ajouté. Tous les journalistes qui avaient cotoyé un jour ou l'autre Jean Hélène sur le continent se souviennent de cette gentillesse et de cette discrétion. "Ce n'était pas un baroudeur. Il essayait de comprendre, ne voyait pas les choses avec manichéisme", témoignait mardi soir un journaliste de l'AFP. Les onze militants du Rassemblement des républicains (RDR), arrêtés en fin de semaine dernière dans une enquête sur un "projet d'assassinat de personnalités politiques, administratives et militaires", ont été libérés mardi soir. La Côte d'Ivoire traverse la plus grave crise politique de son histoire depuis la rébellion armée déclenchée le 19 septembre 2002.
Rédaction
22 octobre 2003 à 03h00
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