Rédaction
19 janvier 2003

Médias et commentateurs russes ont laissé entendre hier que le limogeage, survenu la veille, du directeur de Gazprom-média, Boris Jordan, qui devrait quitter aussi bientôt son poste à la tête de la télévision NTV, pourrait être dû à des raisons politiques. Ce serait la deuxième fois que NTV se trouverait au centre d'une controverse politique, après la tempête qui avait entouré sa prise de contrôle en avril 2001 par le géant gazier public (M. Jordan avait été alors considéré comme l'instrument du Kremlin face à une équipe de l'ex-oligarque Vladimir Goussinski, aujourd'hui en exil, dans l'opposition au président Vladimir Poutine). Ainsi, pour le secrétaire de l'Union des journalistes Mikhaïl Fedotov, le départ de l'homme d'affaires américain d'origine russe "marque une étape naturelle dans la préparation des élections législatives (décembre 2003) et présidentielle (mars 2004)", selon ses déclarations diffusées par la radio Echo de Moscou. M. Fedotov a pris la défense de M. Jordan qui a fait preuve, selon lui "d'un grand professionnalisme en matière d'information de masse" et préservé "l'esprit d'indépendance" de NTV. Le successeur de M. Jordan au poste de directeur général de Gazprom-média, M. Alexandre Dybal, qui avait jusqu'à présent présidé le conseil des directeurs ("parlement") de Gazprom-média, a attribué le remaniement aux "divergences avec M. Jordan concernant la gestion et la stratégie de développement de l'affaire", selon le quotidien Kommersant. Mais un autre journal, Izvestia, apporte une énumération plus précise des raisons supposées de la sanction. Alors qu'il était arrivé à la tête de NTV et de Gazprom-média avec l'appui du pouvoir, qui l'a aidé à obtenir la diffusion de plusieurs feuilletons et à régler des dettes héritées du passé, Boris Jordan lui a offert en retour une "présentation controversée" de la prise d'otages de Moscou, écrit en substance le quotidien. En fait, NTV avait montré en direct des mouvements des forces spéciales autour du théâtre occupé et a diffusé une interview du chef du commando tchétchène, suscitant des critiques du Kremlin. Izvestia affirme également que M. Jordan a énervé ses homologues des autres chaînes en brisant un tabou qui interdisait des critiques mutuelles. Enfin, des membres influents des milieux des services de sécurité et des affaires qui ont contribué au sauvetage de Gazprom-média à travers la cession de 49% de son capital à la banque Evrofinance, n'auraient pas apprécié que le rétablissement de la rentabilité de NTV soit attribué uniquement au manager russo-américain. Côté journalistes, les collaborateurs de NTV en voudraient à leur directeur général d'avoir faxé au Kremlin le compte-rendu d'une réunion de travail sur la couverture ratée de la prise d'otages, toujours selon Izvestia. "On ne peut se battre en même temps contre le pouvoir, les milieux d'affaires, les autres médias, ses propres journalistes et les services spéciaux", conclut le journal. Le département d'Etat américain a exprimé sa "profonde inquiétude" après le limogeage de M. Jorda

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