Un an après le lancement de "Loft Story" et alors que la deuxième saison bat son plein avec un succès moindre, le réalisateur Jean-Jacques Beineix propose de revenir sur le phénomène qu'a constitué l'apparition en France de ce programme de "télé-réalité" dans un documentaire intitulé "Loft paradoxe", diffusé le 28 mai sur ARTE. Le film décortique le succès de l'émission et les réactions souvent extrêmes qu'il a suscitées en donnant la parole à des personnalités du monde politique, intellectuel et médiatique, mais aussi à quelques téléspectateurs anonymes. On y voit ainsi Jacques Séguéla s'indigner que Le Monde ait consacré quatre "unes" à cette émission, "la plus grande entreprise de désertification culturelle jamais entreprise par la télévision". Tout en reconnaissant que "quelque part, le produit est bon" puisqu'il a "marché". Ancien ministre et maire (RPR) du 17e arrondissement de Paris, Françoise de Panafieu évoque un "phénomène générationnel" en forme de "cri", tandis que sa consoeur Roselyne Bachelot, devenue depuis ministre de l'Ecologie et du Développement durable, y voit la révélation d'une fracture entre les générations, qui n'épargne pas les politiques. De son côté, le directeur de Marianne, Jean-François Kahn, raconte la "réaction maso de fascination/rejet" qui a frappé sa rédaction, celle de "gens (qui) ne cessent de regarder pour pouvoir continuer à dire combien c'est mauvais". Créateur de "lien social", "transfiguration du banal", "brouillage des frontières entre fiction et réalité", spectacle de "l'infiniment rien" ou reflet d'une génération où le consommateur remplace le citoyen... En remettant en perspective le flot de commentaires générés par l'émission, Jean-Jacques Beineix nous soumet, en creux, plusieurs grilles d'analyse qui révèlent "quelques une des contradictions de notre société". Le film est aussi la réponse du cinéaste à tous ceux qui lui ont collé l'étiquette "pro-loft" depuis sa participation à une soirée en "prime time" de l'émission. "Aujourd'hui, dans cet univers de l'immédiateté, l'observateur, celui qui ne prend pas partie, est quelqu'un de suspect. Il faut être pour ou contre", déplore-t-il. "Des millions de gens ont regardé Loft Story. Analyser les regards portés sur cette émission, c'est donc aussi s'intéresser à ces spectateurs", explique le cinéaste. "La télévision est un endroit où les gens ordinaires peuvent devenir extraordinaires, et où les gens extraordinaires veulent nous faire croire qu'ils sont ordinaires". Divertissement "cruel comme l'est notre époque", le Loft "est un révélateur, un catalyseur, un marqueur, un symptôme de notre époque" poursuit le cinéaste qui invite les téléspectateurs à "traverser le miroir".
Rédaction
28 mai 2002
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