Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a reçu les syndicats de Canal + (Vivendi Universal) et les organisations professionnelles du cinéma, dernières consultations avant d'éventuelles suites juridiques aux changements de direction intervenus la semaine dernière dans le groupe Canal +. Avant sa réunion plénière mensuelle ordinaire de mardi matin, au cours de laquelle les neuf sages du CSA devraient ébaucher une première position commune après le limogeage de Pierre Lescure de la présidence du groupe Canal+, le CSA voulait entendre "toutes les parties concernées par ce changement". C'est désormais chose faite, puisque le CSA a auditionné jeudi le PDG de VU Jean-Marie Messier et M. Lescure. Les syndicats et la SDJ, reçus par le président du CSA Dominique Baudis en début d'après-midi, voulaient avant tout s'assurer du respect de "l'intégrité et de la ligne éditoriale de Canal +". Selon eux, elle doit avant reposer sur des bases économiques, c'est pourquoi ils ont demandé à ce que Canal + SA (la chaîne cryptée française) récupère la pleine possession de son fichier d'abonnés (dont l'exploitation est assurée aujourd'hui par Canal + Distribution) et que la chaîne dispose d'une "obligation de moyens" suffisante pour assurer son activité. Pour les syndicats, cette obligation de moyens pourrait figurer dans la Charte liant Canal + à VU. Par prudence, ils aimeraient d'ailleurs voir cette charte annexée à la convention entre Canal + et le CSA. Aux syndicats ont succédé les organisations professionnelles du cinéma. Très inquiet du départ de Pierre Lescure, partenaire "historique" du cinéma depuis la naissance de Canal +, le septième art fait aujourd'hui front uni pour défendre et "sécuriser" les accords signés avec la chaîne cryptée en mai 2000. Car si une grande partie des obligations de Canal + envers le cinéma français sont consignées dans la loi, les accords affinent la répartition des investissements, notamment en assurant un financement à des films au budget inférieur à 5,34 millions d'euros. Les accords prévoient également un minimum d'investissements garanti par abonné et par mois, pour s'assurer qu'une éventuelle baisse du chiffre d'affaires, sur lequel sont indexées les obligations de Canal +, ne soit pas trop préjudiciable à la production cinématographique. Pour garantir la pérennité de ces clauses, au moins jusqu'à la fin 2004, date à laquelle il faudra les renégocier, les organisations ont demandé au CSA d'annexer l'intégralité des accords à la convention entre Canal et le CSA. C'est plus que ce qu'a proposé M. Messier au CSA la semaine dernière. Le PDG de VU s'était contenté de proposer l'annexion des accords à la charte qui lie son groupe à Canal +. "Mais cette charte, on sait que Messier s'asseoit dessus quand il veut", remarque un observateur du monde du cinéma. "On veut plus de garanties". La balle est maintenant dans le camp du CSA. Selon les syndicats et les organisations professionnelles, l'autorité de régulation serait "favorable à nos demandes et plutôt bien disposée à notre égard". Après la prise de position unanime du monde politique, à droite comme à gauche, pour défendre l'exception culturelle et le cinéma français, le CSA dispose en tout cas d'une marge de manoeuvre confortable pour imposer à VU les garanties qu'il souhaite pour la chaîne privée. Avec toujours, en filigrane, la menace de retirer l'autorisation d'émettre de Canal+ en cas de blocage. Un "bombe atomique", crainte par les syndicats, mais "que le CSA n'écarte pas".
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