Le débarquement à la hussarde de Pierre Lescure par Jean-Marie Messier, officialisé mercredi par le conseil de surveillance de Canal+, a déclenché une très forte mobilisation du personnel de la chaîne et des professionnels du cinéma, ainsi que les mises en garde du monde politique. M. Messier n'a guère perdu de temps pour sceller juridiquement le sort de son ancien directeur général, en convoquant dès mercredi après-midi le conseil de surveillance de Canal+, chargé de révoquer Pierre Lescure de la présidence du directoire du groupe de la chaîne, pour le remplacer par Xavier Couture. La journée de mercredi a vu monter irrésistiblement la tension entre Canal+ et Vivendi Universal, puis entre ses deux dirigeants. Déjà, dans la matinée, M. Lescure n'avait pas mâché ses mots, en s'estimant sur France Inter victime d'un "crime de lèse-majesté" envers M. Messier, affirmant que ce dernier souffrait d'une "pathologie aggravée de l'ego". VU a répliqué à l'issue du conseil de surveillance, en publiant un communiqué très sec précisant que le départ de M. Lescure, "motivé par des considérations d'ordre économique" ne revêtait "aucun caractère personnel". Et le groupe de souligner les faiblesses économiques de Canal+, son endettement et ses pertes d'abonnés pour trancher: "Vivendi Universal n'ayant pas vocation à demeurer durablement le banquier à chéquier ouvert de Canal+, des mesures stratégiques et opérationnelles vigoureuses s'imposent". La tension est aussi montée d'un cran du côté des employés de Canal+. Loin de se calmer, leur fronde, entamée "à chaud" mardi soir après l'annonce du limogeage de leur pdg, a redoublé mercredi pour se cristalliser dans la manifestation organisée en début d'après-midi devant le siège de VU à Paris. Environ un millier de personnes sont réunies à l'appel de l'intersyndicale de Canal+ © AFP Eric Feferberg Un millier de personnes, employés et abonnés, se sont réunies aux cris de "Messier démission, Lescure président", brandissant des banderoles avec les inscriptions "Messier t'es foutu, Canal+ est dans la rue". La mobilisation devrait continuer. Dans la matinée, les employés réunis en assemblée générale ont appelé à faire "monter la pression" d'ici l'assemblée générale de VU du 24 avril, annonçant notamment que les programmes de la chaîne serait entrecoupés dès jeudi de "pastilles" des Guignols, de sketches ou de messages de toutes les vedettes passées et présentes de Canal+, et qu'une grande fête de soutien serait organisée samedi à Paris. Mais la mobilisation a largement dépassé les murs du siège de Canal+. Aux mises en gardes immédiates des organisations professionnelles du septième art et de nombreux syndicats, s'est ajouté mercredi le soutien à Pierre Lescure de plus de 400 personnalités parmi lesquelles Isabelle Adjani, Claude Berri, Catherine Deneuve, David Lynch, John Malkovitch ou Noir Désir. Les candidats à l'élection présidentielle ont de leur côté insisté sur la nécessité pour Canal+ de respecter ses engagements envers le cinéma français. Le Premier ministre Lionel Jospin a même demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de vérifier que les changements à la tête de Canal+ étaient en conformité avec la loi française. L'autorité de régulation avait pris les devants dans la matinée en annonçant qu'elle recevrait Pierre Lescure jeudi matin, et ensuite Jean-Marie Messier. Il semble que ce dernier aura fort à faire pour apaiser les esprits d'ici son assemblée générale du 24 avril. Certains pensent que le limogeage de Pierre Lescure n'est que le premier acte de grands bouleversements chez VU. Si la presse française retenait surtout mercredi la sévère reprise en main de Canal+ par M. Messier, la presse européenne semblait s'interroger plus que jamais sur son avenir à la tête du groupe.
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