Réduves, rallidés, rémiz et autres bestioles aussi inconnues que leur orthographe s'étaient donné rendez-vous dans la fameuse dictée de Bernard Pivot, pour la finale des Dicos d'or 2001, mais c'est finalement un innocent "b.a.-ba" qui a laissé babas les 197 participants. Aucun candidat n'a réussi à faire un sans faute (ils étaient quatre en 2001) lors de cette 16ème édition, enregistrée samedi depuis l'amphithéâtre Binet de l'Université parisienne René Descartes, en plein coeur du quartier de Saint-Germain-des-Prés, et diffusée dimanche après-midi par France 3. La palme revient à deux "juniors", n'ayant affiché qu'une petite demi-faute (sur une dictée plus courte que celle des adultes), tandis que le meilleur "senior", un instituteur de 36 ans venu du Vaucluse, a fait une faute et demi. Contre toute attente, 81 % des candidats, âgés de 11 à 81 ans, connaissaient les réduves, ces punaises ailées et carnassières vivant dans l'obscurité, et trois quarts d'entre eux n'ont pas été assez ignorants pour confondre les élands africains (de grandes antilopes) avec les élans du Grand Nord. De façon générale, les mots rares ou compliqués n'ont guère effrayé les finalistes. Dans une assemblée composée en grande partie de surdoués, de cruciverbistes acharnés et d'amoureux transis du dictionnaire, on sait écrire le phylloxéra et conjuguer un verbe au subjonctif, fût-il imparfait. Bernard Pivot n'y a pourtant pas été de main morte et il n'a rien à envier aux "esprit pervers" auxquels sa dictée fait référence. Le commun des mortels aura donc appris que la psittacose est une maladie des perroquets transmissible à l'homme, que l'arénicole, ce ver qui creuse le sable en bord de mer, est un nom féminin, et que le rémiz, un petit oiseau de la famille des mésanges, ne prend pas de "s" au pluriel. Des mots certes difficiles à placer dans un dîner en ville, mais si l'on en croit Bernard Pivot et le titre de sa dictée, "c'est bon à savoir". Finalement, le piège de l'année a résidé dans le simple "b.a.-ba" qui, ironie du sort, désigne une connaissance fondamentale et élémentaire, et a été fatal à près de 86 % des finalistes, perdus entre points et trait d'union. "Je savais que ce serait un piège terrible", a déclaré à l'AFP Bernard Pivot, dans un sourire. "Moi-même, quand j'ai cherché son orthographe, j'ai été stupéfait. L'an dernier, le terme raplapla avait aussi provoqué beaucoup d'erreurs. Ce sont des mots qu'on emploie beaucoup mais qu'on n'écrit jamais". L'écrivain, critique littéraire et animateur Frédéric Beigbeder, qui planchait également aux côtés du chanteur Louis Chédid, des écrivains Martine et Philippe Delerm ou d'habitués comme le comédien Fabrice Luchini, ne s'est "pas fait avoir par le b.a.-ba", a-t-il assuré à l'AFP. "J'ai fait dix fautes, même si je m'attendais à bien pire", a-t-il déclaré. "Comme je lis beaucoup, je vois beaucoup de mots, qui entrent dans ma mémoire visuelle". Ce qui ne l'a pas empêché de ne mettre qu'un "c" à occurrence et d'avouer son ignorance quant à l'existence des rémiz et des réduves. Interrogé sur l'évolution et la défense de l'orthographe, l'auteur de "99 francs" (devenu depuis "14,99 euros", chez Grasset), remarque que "le français s'enrichit de l'argot, du verlan et de l'anglais. Je ne crois pas qu'il soit si urgent que cela de l'enfermer dans son orthographe". "Parmi mes écrivains préférés, figure Raymond Queneau", a-t-il ajouté. "Si j'avais fait la dictée avec son orthographe, j'aurais fait 300 fautes".
Rédaction
14 janvier 2002
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