France 2
 

Rédaction
13 mars 2008

Dépressions, tentatives de suicide, morts par épuisement: à travers le témoignage de salariés exposés de plein fouet à de nouvelles logiques de rentabilité, le documentaire "Travailler à en mourir", ce soir à 23h00 sur France 2, met en lumière cette "épidémie invisible" qu'est la souffrance dans l'entreprise. "Je préfère mourir que d'y retourner, docteur", sanglote une femme dans le cabinet d'un psychiatre en charge d'une consultation "souffrance au travail" à l'hôpital de Créteil, en banlieue parisienne. Pour le rencontrer, il faut compter six mois d'attente. Le nombre de salariés brisés par leurs conditions de travail augmente "de manière exponentielle", souligne un autre psychiatre qui retrouve chez ces personnes les mêmes symptômes de stress post-traumatique générés par des "événements dramatiques" comme les attentats. Déjà auteur d'une enquête au Japon sur les décès provoqués par un excès de travail, le journaliste Paul Moreira a décidé d'explorer en France cette "zone grise du salariat et de l'actualité" après les suicides en 2006 et 2007 de trois salariés du technocentre de Renault-Guyancourt (Yvelines). "Ce qui m'importait, c'était d'aller au-delà des problèmes de harcèlement, qui sont réels" pour comprendre "ce qui structurellement amène les gens au bout de leurs limites", explique-t-il. "Le défi était de rendre compte d'un phénomène qui détruit et qui n'a pas de coupable unique", ajoute-t-il. Grâce aux témoignages à visage découvert de personnes ayant "frôlé" la mort ou ayant subi celle d'un conjoint, le documentaire plonge dans trois secteurs particulièrement touchés ces dernières années par les évolutions économiques et technologiques: la banque, les plateformes téléphoniques et la sidérurgie. Le milieu bancaire a connu une série de concentrations de groupes, engendrant des méthodes de travail plus brutales où "la religion du chiffre à tout prix peut générer des champions fous ou briser les plus fragiles", relève le réalisateur. Dans les centres d'appels téléphoniques, les salariés sont surveillés en permanence, leurs objectifs de vente contrôlés en temps réel sur un écran d'ordinateur, leurs temps de parole et de pause minutés à la seconde près. Les cas les plus tragiques ont été rencontrés dans la sidérurgie dont la "nouvelle stratégie industrielle" d'externalisation favorise le recours à des ouvriers intérimaires soumis à une "flexibilité extrême" et une grande précarité. Jean-Luc, qui rêvait d'un contrat à durée indéterminée (CDI), est dans le coma depuis plus d'un an après une attaque cardiaque sur son lieu de travail alors qu'il était supposé être en récupération. A 31 ans, le coeur de Rudy a lâché: la veille il avait travaillé 21 heures. La plupart des sociétés concernées n'ont pas souhaité répondre aux questions de Paul Moreira qui dénonce "la culture du mutisme dans l'entreprise" et "la loi du silence".

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