"La République atomique", documentaire diffusé le mercredi 14 novembre sur Arte, plonge au coeur des relations franco-iraniennes en établissant des liens entre la vague d'attentats des années 1980 en France et les ambitions nucléaires de l'Iran. Au centre de ce film de David Carr-Brown et Dominique Lorentz, l'entrée de l'Iran du Chah en 1974 dans le capital d'Eurodif, consortium d'enrichissement de l'uranium mis en oeuvre par la France. Manifestation, selon les auteurs, de la volonté de Téhéran de se doter de la bombe atomique. Mais l'arrivée de Khomeiny au pouvoir en 1979 change la donne. "Les Etats-Unis, aidés par la France, voulurent que l'Iran renonce à ses ambitions nucléaires, ce que la République islamique n'a pas accepté. Elle fit alors pression sur eux de 1980 à 1991", explique Dominique Lorentz. Les années 1985 et 1986 furent marquées par les otages français au Liban, les attentats à Paris (FNAC, Hôtel de Ville, Pub Renault) et l'assassinat de Georges Besse le 17 novembre 1986. Information peu connue du grand public et expliquée dans le film : avant de diriger Renault, M. Besse fut l'un des grands responsables du programme nucléaire français, jusqu'à devenir patron... d'Eurodif. Et le groupe Action Directe, responsable de sa mort, était "intimement lié" aux Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), selon Mme Lorentz. Fin décembre 1991, un accord de règlement du contentieux franco-iranien a été enfin signé. Il reconnaît bien l'Iran comme actionnaire d'Eurodif. Un pacte dont plusieurs dispositions restent aujourd'hui secrètes. Sur son application, les avis de Paris et des auteurs du documentaire divergent. De source diplomatique française, on indique que "l'Iran est bien membre d'Eurodif. Mais en l'absence de centrale nucléaire civile opérant en Iran, il n'y a pas de livraison d'uranium enrichi. En outre, cet uranium est très faiblement enrichi et non susceptible d'usage militaire". L'Iran possède pourtant officiellement cinq petits réacteurs de recherche civile et doit mettre en service une centrale civile à Busher, sur le Golfe, avec l'aide de Moscou. "Les Iraniens ne se sont pas battus pied à pied pendant dix ans pour ne pas exercer leur droit sur l'uranium enrichi d'Eurodif", juge Laurent Beccaria, co-producteur du film et éditeur aux Arènes de deux livres de Dominique Lorentz sur le sujet, "Une guerre" (1997) et "Affaires atomiques" (février 2001). A partir de sources ouvertes et de déclarations officielles, l'auteur y raconte la stratégie délibérée des grandes puissances --parallèle au discours sur la non-prolifération-- de dissémination de l'arme nucléaire, pour d'excellentes raisons stratégiques et diplomatiques. "La France a travaillé non seulement avec l'Iran, mais aussi avec l'Irak, l'Egypte, le Pakistan, l'Inde, la Chine et l'Arabie Saoudite, c'est-à-dire les principaux acteurs du conflit actuel", résume Mme Lorentz. A ce jour, aucun des deux livres n'a été attaqué en justice ou officiellement démenti. La fin du documentaire est troublante. En visite à Paris en 1999, le président iranien Mohammad Khatami dépose une gerbe au Panthéon sur la tombe de Pierre et Marie Curie, les pionniers français de l'atome.
Rédaction
14 novembre 2001
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