Film
 

Rédaction
23 novembre 2006 à 09h00
L'acteur Philippe Noiret, 76 ans, est décédé ce soir des suites d'une longue maladie, a indiqué à l'AFP son agent artistique Artmedia. Il laisse derrière lui une immense carrière de quelque 125 films, et de très nombreuses pièces de théâtre. Acteur fétiche de Bertrand Tavernier ("L'horloger de Saint-Paul", "Que la fête commence" etc), il a formé des couples mythiques avec Catherine Deneuve, Romy Schneider et Simone Signoret, et il a obtenu deux César d'interprétation masculine, en 1976 dans "Le vieux fusil" (Robert Enrico) et en 1990 pour "La vie et rien d'autre" (Tavernier). Philippe Noiret, décédé jeudi à l'âge de 76 ans, aura promené son élégance et son hédonisme à la scène et à l'écran durant plus d'un demi-siècle, s'imposant comme l'un des plus grands acteurs français du siècle écoulé. Celui qui fut tour à tour roi et spadassin, juge et pédophile, flic et gangster, séducteur et poète, aura joué dans environ 125 films sous la direction de grands cinéastes. Il aimait les chevaux, les chaussures, la campagne et les cigares. Il en fumait deux par jour depuis 50 ans, soit un total de 36.500. Ce sont, disait-il joliment de sa voix grave à la diction impeccable, "les arc-boutants de ma vie qui en supportent les piliers: l'amour, l'amitié, l'affection et le travail". Car, derrière cette image de dandy plein d'humour, à la gentillesse mâtinée d'un léger cynisme, se cachait un "bouffeur de travail". "J'ai contribué à l'image de gentleman-farmer que l'on me colle mais elle n'est qu'une parcelle de la réalité", assurait-il. "Il me reste tellement peu d'illusions sur la nature humaine que cela devient difficile de se mettre en colère! Je suis désolé par les autres, le monde et moi aussi. Je suis un désolé gai", résumait cet amateur de James Ellroy et de Victor Hugo, ce mélange d'aristo raffiné et d'anar bon vivant, ce débonnaire très actif, qui se régalait des ces apparentes contradictions. "Quand je me retourne, ajoutait-il, je vois quelqu'un qui a fait correctement son métier d'artisan. J'ai fait des films difficiles, peu; des films pas assez exigeants, peu. La moyenne n'est pas mal : je suis un acteur populaire et j'aime cette idée". Philippe Noiret avait le regard tendre, la poignée de main franche et un franc-parler qu'il utilisait pour "maugréer" contre le consensus de l'époque. Il portait volontiers le noeud papillon, les bretelles roses, les chemises à rayures et le panama en "réaction contre le laisser aller, le "débraguetté"" et s'amusait, des années après, du scandale causé à Cannes par "La grande bouffe" (un suicide collectif par la nourriture) de Marco Ferreri. C'était en 1973. On lui avait craché dessus. "Nous tendions un miroir aux gens et ils n'ont pas aimé se voir dedans. C'est révélateur d'une grande connerie", disait-il. Né le 1er octobre 1930 à Lille (Nord), cet élève médiocre qui a raté plusieurs fois le bac débute sur des scènes de théâtre parisiennes, notamment aux côtés de Jean-Pierre Darras. En 1953, il entre au Théâtre national populaire (TNP) grâce à Gérard Philipe, joue dans une dizaine de films, dont "Zazie dans le métro" (Louis Malle) et "La vie de château" (Jean-Paul Rappeneau), avant que le film "Alexandre Le Bienheureux" (Yves Robert) le révèle au grand public en 1968. Après un détour par Hollywood ("L'étau" d'Alfred Hitchcock, 1969), il enchaîne une impressionnante filmographie en France et à l'étranger, en particulier en Italie. On le verra notamment dans "La Famille" d'Ettore Scola (1987) ou "Cinema Paradiso" de Giuseppe Tornatore (1990). Acteur fétiche de Bertrand Tavernier ("L'horloger de Saint-Paul", "Que la fête commence" etc.), il goûte avec succès au cinéma comique ("Les ripoux", de Claude Zidi), forme des couples mythiques avec Catherine Deneuve, Romy Schneider et Simone Signoret. Il obtient un César (le premier des César) pour la meilleure interprétation masculine en 1976 dans "Le vieux fusil" (Robert Enrico) et un second en 1990 pour "La vie et rien d'autre" (Tavernier). Il assumait tous ses rôles mais avouait que le pire nanar dans lequel il a joué fut +Les Masseuses+ de Lucio Fulci, le premier film (érotico-policier) qu'il a tourné en Italie en 1962. Il regrettait d'avoir refusé le rôle principal dans "Que la bête meure" de Claude Chabrol. Ces dernières années, il passait beaucoup de temps dans sa maison de campagne audoise, près de Carcassonne. Philippe Noiret était un fidèle: plus de 50 ans de métier, plus de 30 ans dans la même maison de campagne, plus de 40 ans de mariage avec la comédienne Monique Chaumette avec qui il a eu une fille.

Biographie
Après avoir échoué plusieurs fois à son baccalauréat, Philippe Noiret prend des cours d'art dramatique et entre en 1953 au Théâtre National Populaire dirigé par Jean Vilar. Il y connaît la vie de troupe pendant sept ans, côtoie Gérard Philipe, interprète plus de quarante rôles et y rencontre l'actrice Monique Chaumette, qu'il épousera en 1962. Parallèlement, il forme un duo comique de cabaret avec Jean-Pierre Darras, loin des pièces classiques du TNP.

Il tient un premier rôle au cinéma en 1956 dans La Pointe courte d'Agnès Varda, mais doit attendre 1960 pour apparaître à nouveau sur grand écran dans Zazie dans le métro de Louis Malle. Hormis son rôle dans Therese Desqueyroux de Georges Franju en 1962, Philippe Noiret enchaîne des seconds rôles sans percer jusqu'à La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau, en 1966. Mais c'est le personnage de paysan rêveur et bucolique d'Alexandre le Bienheureux, réalisé par Yves Robert, qui le fait remarquer des professionnels et du grand public en 1967, au point de pouvoir se consacrer exclusivement au cinéma et d'abandonner le théâtre.

Conscient qu'il ne tiendra jamais des rôles de jeune premier, le comédien enchaîne les apparitions en Monsieur Tout-le-monde (La Vieille fille, 1971), n'hésitant pas à bousculer son image bonhomme avec des longs-métrages polémiques comme La Grande Bouffe de Marco Ferreri, récit d'un suicide collectif par la nourriture qui provoque un véritable scandale à Cannes en 1973. Il se fait une spécialité des personnages de composition, avec une prédilection pour certains réalisateurs comme Bertrand Tavernier (L' Horloger de Saint-Paul, 1973; Que la fete commence, 1974), Yves Boisset (L' Attentat, 1972; Un taxi mauve, 1977), ou encore Philippe de Broca (Les Caprices de Marie, 1970; Tendre poulet, 1977).

Philippe Noiret passe au statut de star hexagonale grâce à l'immense succès populaire du Vieux Fusil de Robert Enrico qui lui vaut un César du Meilleur Acteur en 1976. Mais le comédien n'abandonne pas pour autant son goût de la composition, nuançant d'une pointe d'humanité ses rôles de salaud (Coup de torchon, 1981), ou de perversité ses personnages de bourgeois honorables (Le Temoin, 1974).

Il suit par ailleurs une carrière en Italie, principalement sous la direction de Mario Monicelli (Mes chers amis, Pourvu que ce soit une fille), et devient la figure incontournable des comédies françaises à succès dans les années 80 et 90 avec Twist again à Moscou de Jean-Marie Poiré et surtout Les Ripoux de Claude Zidi, en 1984. Le succès de ce film donne lieu cinq ans plus tard à une suite intitulée Ripoux contre ripoux, et le tandem de flics formé par Noiret et Thierry Lhermitte remettra le couvert en 2003 pour Ripoux 3, du même réalisateur. L'acteur remporte son second César en 1990 pour La Vie et rien d'autre et figure même en haut de l'affiche de productions internationales comme Cinema Paradiso (1988).

Moins sollicité par le cinéma au milieu des années 90, Philippe Noiret remonte sur les planches en 1997 dans Les Cotelettes de Bertrand Blier puis joue dans l'adaptation cinématographique de la pièce en 2003, toujours signée Blier. Mais c'est en jouant la même année le rôle d'un père tendre et maladroit sous la direction de Michel Boujenah dans Père et fils qu'il renoue, à 73 ans, avec le succès. En 2005, il est à l'affiche de la comédie policière Edy, portée par François Berléand.
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