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Rédaction
24 octobre 2006

"J'ai mal au travail", un documentaire de Jean-Michel Carré, diffusé sur Canal + à 20h50, tente de démêler les raisons de la souffrance au travail, physique ou psychologique, qui semble connaître une forte progression depuis une quinzaine d'années. Comme point de départ, le réalisateur --auteur de nombreux documentaires, sur le Koursk, les SDF ou les mines de charbon du Pays de Galles-- a choisi de parler, de manière paradoxale, du bonheur au travail. "On parle rarement des contradictions entre bonheur et malheur au travail", explique-t-il. "Ce qui m'a étonné", c'est la capacité des gens à accepter des conditions de travail difficiles lorsque l'humain parvient à "s'insérer dans des gestes mécaniques" ou dans des environnements avec une pression très forte, ajoute Jean-Michel Carré. Mais de plus en plus, souligne le documentaire, les salariés restent dans la douleur, sans parvenir à la subvertir. Et la souffrance au travail, subie autrefois par les travailleurs les moins qualifiés, touche désormais tous les secteurs et tous les niveaux hiérarchiques. Trois faits majeurs se détachent des explications fournies par les nombreux intervenants interrogés dans le film: le sentiment des salariés d'être interchangeables, la suppression des collectifs de travail et l'explosion de "l'instantanéité", avec des tâches qualifiées non plus d'urgentes mais de "TTU" (très très urgentes). Autre fait marquant souligné par le documentaire, la montée de la peur au sein de l'entreprise: peur du supérieur, peur d'être renvoyé, d'être moins "performant"... Ce film, très dense, s'appuie sur des interviews d'experts, des psychanalystes, politologues, sociologues, économistes et quelques cadres supérieurs. En guise de respiration, l'auteur a choisi un florilège de publicités, anciennes ou récentes, mettant en scène le monde du travail et illustrant le propos des intervenants. Car les plans tournés dans l'entreprise sont rares, l'équipe s'étant heurtée au refus de nombre d'entre elles de laisser entrer des caméras. "Elles ne comprennent pas qu'elles ont elles-mêmes intérêt à ce que les choses s'améliorent", regrette le réalisateur. Pour le téléspectateur, la souffrance au travail devient véritablement palpable lors des rares témoignages d'une ouvrière de Moulinex, d'un imprimeur ou d'une vendeuse d'un centre commercial, qui racontent avec simplicité et pudeur leur calvaire. Ce documentaire est le premier d'une nouvelle collection de films diffusés en première partie de soirée par Canal+ et consacrés aux "zones de tension de la société française". La prison, la justice et les mineurs récidivistes, le travail en banlieue, la prise en charge de la vieillesse sont les thèmes des prochains documentaires.

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