Le générique de "Bouillon de culture", un morceau jazzy de Sonny Rollins, a retenti pour la 407e et dernière fois sur France 2: Bernard Pivot a mis hier soir un terme à sa célèbre émission littéraire, après vingt-huit années passés à défendre le livre à la télévision. L'animateur, âgé de 66 ans, a commencé sa première émission littéraire télévisée ("Ouvrez les guillemets") en 1973. Il a ensuite animé (à 724 reprises) "Apostrophes" sur Antenne 2 de 1975 à 1990 avant de créer "Bouillon de culture" le 12 janvier 1991. "Il faudrait ne faire que des dernières et jamais faire des premières", a plaisanté Pivot, avant le début de l'émission, ajoutant avec ironie: "Lors de la première d'"Apostrophes", il n'y avait pas un seul photographe sur le plateau". Le "Bouillon" de vendredi, long de plus de deux heures et demie, a proposé, pour moitié, les meilleurs moments de l'émission et, pour l'autre partie, une conversation vive sur le théâtre, le cinéma, la musique, les sciences et la littérature. Sur le plateau, les débats les plus passionnés ont concerné la langue française, la québecoise Denise Bombardier dénonçant vivement l'anglicisation du français. Les douze invités, habitués de l'émission au cours de la décennie, se sont partagés au milieu de l'émission une bouteille de Bourgogne (Volnay 89), le vin favori de l'animateur. Costume bleu sombre et cravate bleue, ce dernier est apparu comme à son habitude: chaleureux et enthousiaste. "Vous pourriez être nostalgique et vous ne l'êtes pas!", lui a lancé l'acteur Fabrice Lucchini en exprimant "sa volonté de démarche fraternelle". Baptisé "Inventaire avant fermeture définitive", ce numéro a réuni Denise Bombardier, Georges Charpak, Annie Cohen-Solal, Isabelle Huppert, Gilles Lapouge, Fabrice Lucchini, Amélie Nothomb, Jean d'Ormesson, Erik Orsenna, Patrick Rambaud, Jean Tulard et l'Américain James Lipton. Cet animateur d'une émission culturelle est un grand admirateur de Pivot à qui il ne manque jamais une occasion de rendre hommage. De nombreux éditeurs, écrivains, responsables de France 2, ainsi que les anciens présidents de la chaîne publique, se trouvaient sur le plateau du studio Desgraupes, tandis que des centaines d'anonymes suivaient l'émission dans les salles de projection de France Télévision. Ce "Bouillon" a donné la parole, dans une trentaine de films très courts, à des dizaines de personnalités, de Jean-Christophe Averty à Laurent Terzieff, de Jean-Marie Le Clézio à François Mitterrand, en passant par Soeur Emmanuelle ou Georges Steiner. Quel est votre juron favori? Qu'aimeriez-vous vous entendre Dieu dire, à votre arrivée au paradis? Les réponses étaient souvent drôles, donnant un rythme vif à l'émission. Pivot a ensuite répondu au questionnaire, inspiré de celui de Proust, qu'il aimait soumettre à ses invités: votre mot préféré? "Aujourd'hui", a-t-il dit. Votre drogue favorite: "La lecture des journaux". Le bruit que vous préférez? "Celui des pages tournées ou du stylo sur la feuille". Enfin, il a remercié toute son équipe et a déclaré, sans tristesse apparente: "Le livre se referme, je vous souhaite une bonne nuit à tous et fermez les guillemets!". L'émission s'est achevée sur une version de "Douce France" de Charles Trenet, interprétée par de jeunes géorgiennes.
Rédaction
30 juin 2001
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