Le célèbre Sahelanthropus tchadensis, alias Toumaï, doyen attitré de l'humanité avec sept millions d'années, raconte sa vie pleine d'émotions et d'embûches dans un docu-fiction diffusé sur France 2 ce soir à 20H50. La partie connue de son curriculum vitae est brève. On sait que, par une chance extraordinaire, une équipe franco-tchadienne a pu ramasser en 2001 au coeur du désert tchadien son crâne quasi complet mais fortement déformé, recraché de sa tombe naturelle par les érosions dues aux tempêtes de sable qui balaient régulièrement le Djourab. Quelques fragments de mâchoire et des dents trouvés sur trois sites proches ont complété la collection. En 2002, son existence est annoncée par son "père" scientifique Michel Brunet, paléoanthropologue à l'université de Poitiers, dans la revue Nature. Sa qualité d'hominidé est toutefois aussitôt contestée par d'autres chercheurs, qui voient en lui un pré-gorille. En 2005, toujours dans Nature, le sahelanthrope se présente avec un visage "lifté" par reconstitution numérique pour corriger ses déformations. C'est ce nouveau visage qu'il exhibe aussi dans le film "Toumaï le nouvel ancêtre" tourné par le réalisateur belge Pierre Stine. Bien que bipède et à face aplatie, Toumaï fait quand même penser à un singe. Mais il est aussi très humain puisqu'il vit en famille et est monogame. Michel Brunet explique ce noble comportement par la petitesse de ses canines, signe irréfutable pour un mâle, selon lui, d'une vie en couple : les mâles polygames, tels les babouins, arborent des crocs dignes d'un fauve. Les fauves eux-mêmes ne sont évidemment pas absents. L'un des fameux tigres à dents de sabre lui permet de faire un geste d'altruisme suprême : Toumaï se sacrifie en se lançant dans une course perdue d'avance pour détourner son attention des siens. Ce happy end dramatique est inspiré d'un imaginaire plus que centenaire, qui voyait l'homme exposé à des dangers omniprésents. De nombreux chercheurs estiment aujourd'hui que les petits hominidés ne devaient pas trop attirer les prédateurs dans les savanes pleines d'herbivores qui leur offraient une quantité de chair bien supérieure. Le film propose un dosage équilibré documentaire-fiction qui fait découvrir toute la technique - allant jusqu'à un puissant synchrotron - utilisée pour ausculter le crâne, le Sahara d'aujourd'hui et la recherche d'un milieu proche de ce que fut ce désert du temps des sahelanthropes. Michel Brunet pense l'avoir trouvé en Afrique australe, dans le delta verdoyant de l'Okavango (Botswana). Le problème, c'est qu'un profane risque de ne pas distinguer clairement la science du rêve. Il entendra Toumaï dire sur un ton assuré : "Je suis votre nouvel ancêtre", mais pas les propos du professeur poitevin, qui a avoué aux journalistes, en scientifique rigoureux, à l'issue de la projection du film à France 2 : "Notre certitude est notre incertitude."
Rédaction
14 mars 2006
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