"Quand j'ai appris que Big Brother allait arriver en Grèce, je me suis dit qu'au moins, j'avais saisi le pouls de ma société": c'est ce qu'affirme une jeune artiste grecque, exposée "en vitrine" depuis près d'une semaine en plein centre d'Athènes pour une prestation sur la notion d'intimité. Assise sur un tabouret de sa "chambre", transférée à l'identique de la maison de ses parents à la vitrine à l'entresol d'un magasin de vêtements branchés, dans le quartier chic de Kolonaki, Georgia Sarri, attribue à une "coincidence" le parrallèle entre son "oeuvre" et les huis-clos télévisés, dont une mouture grecque est en préparation pour septembre. "Evidemment, ça touche aux mêmes thèmes, mais Big Brother, c'est un faux partage de l'intimité, moi ce qui m'intéresse, c'est la vraie vie privée, comment on la camoufle derrière une vitrine, si on veut ou non la partager, comment aussi elle est violée", affirme cette étudiante en beaux-arts de 22 ans. Sans jamais éteindre la lumière éclairant sa "chambre", où règne un désordre adolescent, elle vit depuis six jours "normalement", lisant, écoutant de la musique, recevant ses amis, ou dormant, avec seulement quelques pauses "pour aller manger chez mes parents". En l'absence de couverture médiatique, qu'elle ne recherche pas, et dans une société encore très codifiée socialement, son exposition ne draîne pas les foules: pas d'attroupements, quelques visites de "jeunes, qui veulent surtout savoir comment je me débrouille en pratique", des passants "qui tapent à la vitre pour voir si je ne suis pas un mannequin", mais surtout, beaucoup "qui détournent la tête et font comme s'ils ne m'avaient pas vue". "Cela me laisse le temps d'observer moi aussi, qu'est-ce que les gens peuvent cavaler!", affirme-t-elle, posée et tranquille. Mais soudain, le calme est rompu, avec l'arrivée de la propriétaire de l'immeuble, une respectable grand-mère, alertée par un premier reportage télévisé. "Mais c'est quoi ici, un campement de tziganes, un bordel, vous allez me ranger tout ça, allez faire votre publicité ailleurs, ici c'est un immeuble comme il faut", lance-t-elle indignée, faisant la sourde oreille à toute explication. "Si ça ne s'arrange pas, je partirai un peu plus tôt que prévu", commente Georgia. "C'est vrai que je joue aussi avec l'image de la femme à vendre, en vitrine, mais c'est évidemment pour condamner quelque chose qui me dégoûte", ajoute-t-elle. Censé durer sept jours, l'exercice s'inscrit dans le cadre d'un concours d'art contemporain organisé par une fondation privée. En guise de trace, elle n'en conservera que quelques images vidéo, "prises par des amis qui viennent me filmer une fois de temps en temps", et des enregistrements sonores, "avec mes visiteurs d'occasion".
Rédaction
24 mai 2001
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