Ils sont collés à leur transistor à piles ou concentrés sur la radio de leur voiture: grâce à la station locale de la radio publique All India Radio, les habitants des lointains archipels indiens des Andaman et Nicobar se parlent et se retrouvent. "Nos auditeurs, c'est l'ensemble de la population des archipels (environ 350.000 personnes, NDLR) et depuis les tsunamis il n'est pas une radio qui ne soit branchée sur nos émissions en ondes courtes et moyennes", témoigne le directeur des programmes Ashok Srivastava. Depuis son centre de Port Blair, la capitale des Andaman, la radio transmet 16 heures par jour et permet aux insulaires de se parler, remplaçant les lignes téléphoniques souvent détruites par le tremblement de terre suivi de raz-de-marée du 26 décembre. Ici, selon un bilan officiel indien, 812 personnes sont mortes et plus de 5.000 sont portées disparues. Mais la police locale et les employés humanitaires craignent que le chiffre n'atteigne 10.000 morts dans cet émiettement d'îles et d'îlots parfois difficilement accessibles. Lalita Tigga et Jaysheela Lakra, ainsi que cinq ingénieurs de la radio ont annulé leurs vacances de fin d'année et se sont portés volontaires pour réceptionner les messages et les repousser lors d'émissions spéciales. "Nous prenons les appels ou diffusons des messages en direct provenant de survivants, de l'armée ou de la police", explique Lalita Tigga. "Nous émettons en direct, avec une main sur le bouton rouge pour pouvoir couper toute personne qui tente de répandre des rumeurs", ajoute sa collègue avant de mettre ses écouteurs. "La peur des raz-de-marée est telle que lorsque nous avons annoncé l'arrivée d'eau potable, des gens ont quitté leur domicile pour aller se réfugier dans les hauteurs, en pensant que des tsunamis arrivaient. Nous devons être très prudents", ajoute Jaysheela Lakra. Les ondes de All India Radio atteignent le détroit de Malacca, l'un des axes majeurs du trafic maritime mondial, et permettent parfois de petits miracles. "Il y a deux jours, un bateau américain qui avait entendu une de nos émissions en anglais a secouru six pêcheurs indiens perdus dans les eaux internationales", affirme M. Srivastava. "Nous nous sommes reconvertis en fournisseurs de soutien aux opérations de sauvetage et de secours dans les Andaman", s'enorguellit-il. "Parfois, en une journée, nous diffusons 700 messages. Parfois 1.000 ou 2.000", explique un des techniciens de la station, P.S. Sehgal. Les mains jointes en signe de reconnaissance, un homme est arrivé dimanche à la station, tremblant d'émotion. "Vous êtes notre Dieu. Grâce à vous, je sais que mon épouse, mon fils et ma fille sont en vie et en bonne santé à Car Nicobar", a-t-il dit. Jeevan (un seul nom, NDLR) a été séparé de sa famille par les raz-de-marée. Des militaires l'ont emmené à Port Blair. Ses proches ont passé un message sur une feuille de papier à la police de Car Nicobar qui l'a remis aux bénévoles de la radio. "Il y a des milliers de retrouvailles, et c'est notre récompense", ajoute Tigga.
Rédaction
5 janvier 2005
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