Le Conseil d'Etat se donne jusque lundi pour décider d'interdire ou non la diffusion d'Al Manar, la chaîne du parti chiite intégriste Hezbollah, accusée d'avoir diffusé des propos antisémites et des incitations à la violence. Le juge Bruno Genevois, Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a indiqué samedi qu'il rendrait sa décision "lundi en fin d'après-midi", lors d'une audience en référé qui fait suite à une requête du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) demandant l'arrêt de la diffusion de la chaîne par l'opérateur de satellite Eutelsat. Cette requête est "soutenue par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et par le Consistoire central des communautés juives de France", a-t-il précisé. L'audience, qui intervenait après une instruction contradictoire, ne visait pas à faire "un débat sur la situation politique au Moyen-Orient", a-t-il souligné, mais à apporter des précisions. Le Président a cité la chronologie des faits dont la "matérialité" (réalité) n'a été contestée par aucune des parties. Il a également énuméré les programmes "prêtant le flanc à la critique par le CSA", comme l'émission "Des hommes qui ont tenu parole" où il a été dit le 23 novembre : "notre bataille contre les juifs est une bataille historique. Ils ont tué les prophètes sans droit". Le président a également cherché à obtenir des éléments sur l'audience de la chaîne en France, ce qui s'est avéré très difficile à évaluer. Le directeur général délégué d'Eutelsat, Jean-Paul Brillaud, a indiqué qu'Al Manar est également diffusée en Europe par d'autres satellites comme Arabsat et Nilesat. Outre la requête devant le Conseil d'Etat, le CSA a engagé une procédure de sanction à l'encontre d'Al Manar, conventionnée auprès du CSA le 19 novembre. La convention délivrée par le CSA encadre la diffusion de la chaîne au sein de l'Union européenne (UE), "Je ne vois pas très bien comment la combiner (la procédure de sanction, ndlr) avec la procédure en cours (au Conseil d'Etat, ndlr) qui ipso facto" aurait pour effet "de supprimer le conventionnement", s'est inquiété l'avocat d'Al Manar, Me Denis Garreau. Denis Rapone, directeur général du CSA, a au contraire estimé "que les procédures sont indépendantes et qu'elles peuvent être menées de façon concomitante". Selon lui, "la convention reste valide et permet à Al Manar de pouvoir sur cette base obtenir d'être distribuée par les réseaux câblés en France" et par d'autres opérateurs de satellite. L'avocat d'Eutelsat, Me Emmanuel Piwnica, a précisé que si le Conseil d'Etat enjoignait à la société de cesser la diffusion d'Al Manar, l'application d'une telle décision prendrait entre 12 et 24 heures. Al Manar fait partie d'un multiplex de neuf chaînes envoyées à Eutelsat par la société Arabsat, basée à Ryad, et Eutelsat "ne peut pas choisir parmi ces chaînes", a-t-il précisé. Si le Conseil d'Etat demandait l'arrêt de la diffusion, Eutelsat aura alors besoin de quelques heures "pour mettre en demeure Arabsat de faire cesser la diffusion" d'Al Manar. Ensuite, si l'opérateur constatait que le programme était toujours diffusé, "Eutelsat commencerait à dégrader le signal pour montrer sa volonté de se plier à la décision" et au bout de 12 heures le programme des neuf chaînes s'arrêterait, a-t-il expliqué.
Rédaction
11 décembre 2004 à 01h00
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