Le journaliste Paolo Mieli, nommé à la présidence de la RAI, le service public audio-visuel, a renoncé hier à ce poste avant même d'avoir pris ses fonctions en invoquant des "difficultés techniques et politiques". Sa décision, annoncée dans une lettre adressée aux présidents de la Chambre des députés et du Sénat, Pier Ferdinando Casini et Marcello Pera, a replongé la télévision publique italienne dans la crise. L'hostilité d'une partie de la droite parlementaire à sa nomination est une des causes de cette démission. Les attaques les plus rudes sont venues de la Ligue du Nord, le parti populiste dirigé par Umberto Bossi, ministre des Réformes du gouvernement Berlusconi. Le quotidien du parti, La Padania, a lancé une campagne pour dénoncer les prétentions financières de M. Mieli, 54 ans, actuellement directeur éditorial du groupe d'édition Rizzoli-Corriere della Sera (Rcs) et ancien directeur du grand quotidien milanais. "Mieli +le persécuté+ demande deux milliards (NDLR: de lires, soit un million d'euros) par an", a titré mercredi le quotidien de la Ligue. Et Umberto Bossi s'est dit publiquement mécontent du choix de Paolo Mieli, homme considéré comme proche de la gauche, pour diriger le conseil d'administration de la RAI. La désignation de ses cinq membres est de la compétence exclusive des présidents des deux chambres. Elle doit refléter les équilibres politiques. Le nom de Paolo Mieli avait été proposé par l'opposition. Les quatre autres conseillers choisis vendredi dernier sont considérés proches des partis de la majorité de droite issue des urnes en mai 2001. Leur nomination a été publiée mardi au journal officiel, mais Paolo Mieli avait posé trois conditions et menacé de renoncer avant même d'avoir pris ses fonctions s'il n'obtenait pas satisfaction. La première concernait son traitement. Les deux autres étaient le remplacement de l'actuel directeur général, avec un droit de regard sur la nomination de son successeur, et la réintégration de deux journalistes, Enzo Biagi et Michele Santoro, limogés pour avoir déplu à Silvio Berlusconi. La satisfaction de ces trois exigences était considérée par Paolo Mieli comme une garantie de son autonomie et du pluralisme d'expression à la RAI. L'opposition a déploré sa démission. "Je le craignais. C'est très grave", a commenté mercredi le président des Démocrates de gauche (DS) Massimo d'Alema. Mais la critique la plus sévère est venu du président du parti centriste de la coalition gouvernementale, Marco Follini. "Une partie de la majorité a fait preuve d'une désolante myopie", a-t-il déploré. Toute cette affaire est un véritable camouflet pour le chef du gouvernement Silvio Berlusconi. Propriétaire de Mediaset, le groupe de télévision privé concurrent direct de la RAI, il est en plein conflit d'interêt dès lors qu'il intervient dans les décisions concernant le service public. Il a pris ce risque fin février en réunissant tous les chefs des partis de sa coalition pour doter la RAI d'un nouveau conseil après l'échec de l'équipe nommée quelques mois après sa victoire électorale. L'initiative avait provoqué la colère des présidents des deux chambres du Parlement. Silvio Berlusconi a reconnu avoir commis un impair et les a laissés faire. Mais leur choix lui déplaisait et les exigences de Paolo Mieli le contrariaient, selon des échos de ses commentaires rapportés par la presse. "La démission de Mieli laissera Berlusconi, Casini et Pera à poil", a averti avec franc parler l'ancien président de la République Francesco Cossiga. Elle pourrait être suivie par celle d'une autre conseiller. L'historien catholique Giorgio Rumi, 64 ans, a en effet annoncé que si Paolo Mieli renonçait, il se démettrait lui aussi.
Rédaction
13 mars 2003
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