Les enquêteurs chargés de faire la lumière sur la tragédie de Columbia disposent d'une foule d'indices à partir desquels ils devraient pouvoir reconstituer rapidement le fil et les causes de la désintégration de la navette spatiale dans le ciel texan. "Nous avançons rapidement pour établir la séquence des événements. Nous rassemblons tous les éléments pour trouver la cause (de l'accident) et y remédier", a déclaré lundi matin Bill Ready, administrateur-adjoint de la Nasa, chargé des vols habités. Après l'explosion de la navette Challenger le 28 janvier 1986, la commission d'enquête rendit ses conclusions après seulement quatre mois de travail. Mais les vols de navette furent suspendus pendant 32 mois, le temps de revoir la conception des joints toriques des fusées d'appoint en cause dans la catastrophe. Pour Columbia, les choses pourraient aller encore plus vite. A la manière des enquêtes sur les crashs aériens, les ingénieurs et experts vont passer au peigne fin les données en leur possession et assembler tous les éléments du puzzle. Outre les films et photos, la première piste d'enquête susceptible de fournir de précieuses indications concerne les données de bord disponibles sur les minutes précédant la catastrophe. "Je pense que la Nasa va être capable d'élucider cela très bien. Ils disposent de centaines, peut-être même de milliers de relais de mesures télémétriques de tout ce qui se passe à bord", souligne l'astronaute John Glenn. Hormis deux petits enregistreurs des conversations de bord non protégés et certainement désintégrés, les navettes spatiales n'emportent pas de "boîtes noires". Elles n'en ont pas besoin: toutes les données de bord sont en effet retransmises par télémesures vers la Terre. Sur les consoles du centre de contrôle de Houston, les ingénieurs peuvent en effet contrôler en temps réel tout ce qui se passe à bord: instruments d'avionique et systèmes de vol, systèmes électriques et hydrauliques, paramètres vitaux (oxygène, pression), ainsi que les données physiologiques transmises par les scaphandres de chaque astronaute (rythme cardiaque, pression artérielle, etc.). L'analyse de ces données télémétriques soigneusement enregistrées, entamée dans les heures suivant la catastrophe, a déjà livré d'importants indices, en premier lieu les signes d'un échauffement anormal sur le flanc gauche de la navette. Autre renseignement utile: au moment de la perte du contact radio avec Columbia, celle-ci était partie en roulis sur la gauche, signe d'une possible perte de contrôle. La prochaine étape va consister à cartographier le champ des débris, tombés sur le Texas et l'ouest de la Louisiane. Cette opération qui promet d'être longue - le champ des débris s'étend sur 1.300 km2 - permet de savoir quelles parties de la navette se sont détachées en premier et donc de reconstituer la séquence de la désintégration. Un astronome amateur qui suivait la rentrée de la navette dans l'atmosphère samedi matin a affirmé ainsi avoir vu des pièces se détacher de Columbia dès son passage au-dessus de la Californie. Au fur et à mesure qu'ils sont récupérés, les débris de Columbia seront transportés dans un hangar sur la base aérienne de Barksdale, à Boissier City (Louisiane), a indiqué la Nasa. Même s'ils risquent d'être complètement carbonisés, leur analyse par des experts métallurgistes fournira d'importants éléments, notamment les températures auxquelles le métal a été soumis. Les déformations et fractures du métal permettent de savoir si une explosion a eu lieu et si elle a une origine interne ou externe (météorite, par exemple). La Nasa pourrait décider aussi une reconstruction de l'épave de la navette, à l'instar de ce qui avait été fait pour le Boeing 747 de la TWA, qui avait explosé au large de New York en juillet 1996. Mais ce sera une tâche dantesque: avec 2,5 millions de pièces pour 90 tonnes, la navette est l'une des machines les plus complexes jamais construites de la main de l'homme. Enfin, l'analyse des restes humains peut permette de savoir si les astronautes, protégés par leur combinaison et sanglés dans leur siège, ont été immédiatement vaporisés ou si l'habitacle a conservé son intégrité structurelle, les protégeant le plus longtemps possible.
Rédaction
4 février 2003
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