Le gouvernement espagnol a donné son feu vert sous conditions à la fusion des deux bouquets numériques espagnols par satellite, Canal Satelite Digital et Via Digital, après s'y être longtemps opposé, car elle supposait la prise de contrôle d'une plate-forme proche du pouvoir exécutif par un groupe proche de l'opposition. Le gouvernement accepte ce projet de fusion, présenté en mai par les deux plate formes numériques, la première contrôlée par Sogecable (Prisa, Canal+) et la seconde par Telefonica, "dans le cadre de la liberté d'entreprise, en mettant toutefois des limites pour garantir l'intérêt général des consommateurs et l'économie du pays", a dit le ministre de l'Economie, Rodrigo Rato, à l'issue du conseil des ministres hebdomadaire. La série de conditions imposées garantit la pluralité de l'information et des contenus et n'entraînera pas de coûts pour les consommateurs, a ajouté le gouvernement. Elle représente aussi une garantie pour les droits des opérateurs tiers à l'accès à des retransmissions de football, sport roi en Espagne, et de films. Selon des analystes, le gouvernement s'est finalement soumis à la logique de la rentabilité financière, pour deux bouquets numériques lourdement déficitaires, qui ont rivalisé sans merci depuis leur création en 1997. Cependant, il n'a jamais caché son irritation face à ce projet de rapprochement. Lors de sa présentation, le ministre du Développement, Francisco Alvarez Cascos, s'était élevé contre cette "proposition de monopole privé", tout en critiquant "le geste altruiste" du président de Telefonica, César Alierta. Le Tribunal de défense de la concurrence "aura beaucoup à dire", avait-il averti. Sur un ton moins agressif, M. Rato avait assuré que "le gouvernement veillerait aux intérêts des consommateurs". Les considérations officielles faites au nom de la défense de la concurrence cachaient en fait une vieille bataille politique pour le contrôle des médias audiovisuels en Espagne. Canal Satelite Digital avait en effet été lancé par le groupe de médias Prisa, éditeur du quotidien El Pais (proche des socialistes). Presque dans la foulée, le géant espagnol des télécommunications Telefonica avait annoncé la création d'une plate-forme numérique concurrente, Via Digital. Pour la presse, il s'agissait d'une riposte de l'exécutif conservateur par le biais de Telefonica, dont le président, Juan Villalonga, est un ami d'enfance du chef de l'exécutif actuel, José Maria Aznar. Malgré leur concurrence acharnée, les deux bouquets rivaux avaient fait une première tentative de rapprochement en octobre 1998, conscients de leurs problèmes financiers, motivés notamment par les "prix souvent exorbitants payés pour les droits du cinéma et du football", selon un ancien dirigeant de Via Digital. Les négociations avaient alors achoppé sur la valorisation des deux plate-formes. Les deux concurrents se sont de nouveau assis autour de la table en 2001 et ont approuvé un projet de fusion en mai 2002, prévoyant une absorption de Via Digital par Sogecable, qui augmenterait son capital jusqu'à un maximum de 23%, opération réservée aux actionnaires du bouquet contrôlé à 48,6% par Telefonica. Entre temps, le numéro un des télécommunications en Espagne avait changé de patron. M. Villalonga a été remplacé par Cesar Alierta, soucieux avant tout de redresser la situation de son groupe, qui a pâti de lourds investissements dans la téléphonie mobile de troisième génération et des répercussions de la crise en Amérique latine. Pour ce redressement, il a choisi de dégarnir son pôle médias, peu rentable, selon des analystes spécialisés dans ce secteur. Si Sogecable a enregistré une perte nette de 55,7 millions d'euros sur les neuf premiers mois de l'année 2002, comparé à un bénéfice net de 4,8 M EUR pour la même période de l'an passé, le bilan de Via Digital est encore plus déficitaire. Selon les derniers chiffres disponibles portant sur l'ensemble de 2001, ses pertes s'élevaient à 332 M EUR.
Rédaction
2 décembre 2002 à 01h00
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