Le combat de Beate et Serge Klarsfeld pour obtenir l'extradition de Klaus Barbie vers la France a duré douze ans et un jour. Douze années d'obstination retracées dans "La Traque", un film palpitant qui s'inscrit dans la veine des oeuvres politiques commandées par Canal+ et diffusé ce soir à 20h50, L'histoire démarre en 1971 à Cologne. Les Klarsfeld échouent dans leur tentative d'enlèvement de Kurt Lischka, qui fut chef de la Gestapo en France. Peu de temps après, Beate parvient à convaincre un juge du tribunal de Munich de rouvrir le dossier Barbie, disparu depuis des années. Le magistrat lui confie la photo d'un homme, qui serait Klaus Barbie, prise à La Paz, en Bolivie, quelques années auparavant. La poursuite commence. "Canal+ cherchait à faire un film sur la traque des criminels nazis après la guerre", explique à l'AFP Laurent Jaoui, réalisateur et co-scénariste. "Avec Alexandra Deman (co-scénariste: ndlr), on a tout de suite pensé aux Klarsfeld. Comme ils ont accompli énormément de choses dans leur vie, il fallait choisir: on a pris Barbie comme fil rouge". Car Barbie, ancien chef de la Gestapo de Lyon, qui a fait torturer et tuer de nombreux résistants comme Jean Moulin et envoyé dans les camps au moins 7.500 juifs (dont les enfants d'Izieu), "a une spécificité", selon Laurent Jaoui. Après la guerre, il est récupéré par les Américains qui voient en lui un bon agent de la lutte anti-communiste. En 1951, il est exfiltré vers l'Argentine et s'installe en Bolivie, où il prodiguera ses conseils à l'armée pour la poursuite et la torture des opposants. "Il a continué de +travailler+ jusqu'au jour de son arrestation. Il a changé de cible mais sa façon de regarder le monde n'a pas changé", souligne Laurent Jaoui. En filigrane, "La Traque" dresse le portrait terrifiant d'un criminel nazi, mais sans recourir aux flash-back pendant la guerre. Le film parle aussi des autres combats des Klarsfeld et des dictatures dans les années 70 en Amérique du Sud, où de nombreuses scènes ont été tournées. Comme pour les autres fictions politiques inspirées de faits réels que met à l'antenne Canal+ depuis trois ans (dont dernièrement "Opération turquoise" et "Les prédateurs"), "La Traque" s'appuie sur un solide travail de documentation, et tout sonne juste, des décors à l'interprétation. Yvan Attal et l'Allemande Franka Potente incarnent avec pudeur ce couple déterminé. Hanns Zischler est remarquable en Klaus Barbie, dont la cruauté affleure sous des dehors de bon père de famille. Cette traque de douze ans, pour aller chercher un homme à l'autre bout du monde et le traîner devant la justice, culmine lors d'une dernière journée haletante, le 4 février 1983, lorsque enfin tout converge pour permettre son expulsion vers la France. Beate Klarsfeld dit ne jamais avoir éprouvé de frustration pendant ces douze années. "Nous avions une vie de famille très heureuse, nous n'étions pas fanatisés".
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