Dans la lignée de ses fictions politiques engagées, comme "L'affaire Elf", Canal+ s'attaque brillamment à un sujet brûlant: l'opération "Turquoise" lancée par la France au Rwanda en plein génocide qui a fait 800.000 morts, essentiellement Tutsis, en juin 1994. C'est la première fois que cette opération controversée est portée à l'écran sous la forme d'une fiction, diffusée en plein conflit diplomatico-judiciaire entre Paris et Kigali, d'abord sur la chaîne cryptée, ce soir à 20h50, et ultérieurement sur France 2. Ce film signé Alain Tasma, réalisateur de "Nuit Noire" sur la nuit du 17 octobre 1961 à Paris, a été tourné au Rwanda, en faisant participer des figurants rwandais dont certains ont joué des scènes qu'ils avaient vécues. Il retrace les premiers jours de l'arrivée au Rwanda d'un contingent du "Commandement des opérations spéciales" (COS) chargés d'ouvrir les portes aux 2.500 soldats français qui allaient suivre pour former, sous mandat de l'Onu, une "zone tampon" humanitaire. Pour la France, la mission a toujours été strictement humanitaire. Mais l'actuel régime rwandais dirigé par Paul Kagamé, un Tutsi, accuse l'armée française, alliée historique du régime hutu, d'avoir facilité la fuite des génocidaires. Les premières images du film montrent les militaires français acclamés par les Hutus à leur arrivée. On les voit ensuite arpenter les pistes du pays, découvrant souvent trop tard des villages anéantis et leurs cortèges de cadavres, croisant des milliers de Tutsis terrorisés cachés dans les bois... Chez les protagonistes se mêlent de jeunes soldats qui ne savent pas distinguer un Hutu d'un Tutsi et des anciens, ayant combattu un an plus tôt au côté du régime hutu et formé la garde présidentielle contre les rebelles tutsis. Gilles Taurand a réalisé un long travail d'enquête, fondée sur des témoignages d'officiers, des archives de l'Armée française et les conseils du journaliste Patrick de Saint-Exupéry, auteur de "L'inavouable". Malgré la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda, le tournage a pu se faire sans difficultés. "Kagamé nous a donné carte blanche sans avoir lu le scénario. Parce qu'il savait que pour les figurants, tourner était une manière de témoigner à nouveau", conclut Alain Tasma.
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