Victor, un adolescent sans famille, décide d'aller travailler comme saisonnier dans une ferme du sud-ouest pendant ses vacances d'été : malgré un sujet a priori sombre, le réalisateur Manuel Poirier livre avec "Le sang des fraises" un film sensuel et solaire, véritable hymne au bonheur diffusé ce soir à 20h55 sur France 3. Né d'une mère adolescente incapable de s'occuper de lui et d'un père qu'il n'a jamais connu, Victor, 17 ans, a été placé en pension à l'âge de 8 ans. Seule sa grand-mère s'est occupée de lui, avant de mourir. Pour l'été, sa mère lui fait une nouvelle fois faux bond et il décide, pour gagner de l'argent de poche, de travailler comme ramasseur de fraises dans une ferme de Dordogne. L'exploitation est tenue par Violette (Cécile Rebboah), une jeune veuve trentenaire qui accueille des adolescents de la Ddass. "Ici, il y a des enfants sans mère et une mère sans enfant", explique-t-elle au nouveau venu. Cet été-là, elle héberge deux "habituées" de la ferme, pensionnaires de l'orphelinat de Limoges : Angèle (Marion Durand), une Lolita qui teste sa séduction sur tous les hommes, et Colette (Céline Cremon), adolescente rondouillette qui observe les jeux amoureux des autres protagonistes. Arrive Victor (Baptiste Caillaud), qui bouscule malgré lui les repères de cette "famille". On retrouve dans "Le sang des fraises" les thèmes chers à Manuel Poirier, auteur notamment de "La petite amie d'Antonio", "Marion", "Western" ou encore "Les chemins de traverse". "Tous mes films ont un rapport proche ou lointain avec l'abandon, ainsi qu'avec la notion d'exil et d'errance", déclare à l'AFP le réalisateur, né au Pérou et arrivé en France encore enfant. Victor veut savoir d'où il vient et il tente sans relâche, lors de rares conversations téléphoniques avec sa mère, de lui soutirer l'identité de son père. Mais loin d'être misérabiliste, "Le sang des fraises" est un film sur le passage --la plupart des protagonistes sont des adolescents-- et sur le bonheur de l'instant. "J'aimerais bien qu'on reste tous ensemble", déclare Colette dans la scène finale. Le film est éclairé de moments suspendus, parfaitement gratuits puisqu'ils ne font pas progresser l'intrigue mais essentiels pour transmettre au téléspectateur la notion de bonheur, sans mièvrerie ni grandiloquence. Il en est ainsi de ces images de Colette, Victor et Violette, écoutant un air de Verdi sur l'autoradio de la camionnette et riant aux éclats sans savoir pourquoi. La sensibilité et la justesse du réalisateur dans la peinture de l'adolescence, loin des clichés habituels des fictions françaises, finissent de faire de ce film une oeuvre enthousiasmante. Cécile Rebboah, qui incarne une Violette dynamique et courageuse, mais désarçonnée par son attirance pour Victor, a reçu le prix de la meilleure interprétation féminine du Festival de la fiction télévisée de Saint-Tropez 2006. Elle joue dans le prochain film de Manuel Poirier, "La maison", qui a pour thème la vente par adjudication d'une maison familiale.
Rédaction
2 juin 2007
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