Avec "Le papier ne peut pas envelopper la braise", un documentaire exceptionnel,le cinéaste Rithy Panh continue d'explorer les blessures du peuple cambodgien mutilé par le génocide perpétré par les Khmers rouges il y a trente ans. Ce film de 90 minutes, diffusé ce soir à 23h25 sur France 3 qui l'a également coproduit, se déroule presque exclusivement dans le taudis d'un immeuble de Phnom Penh, lieu de repos de 13 prostituées âgées d'une vingtaine d'années. Rithy Panh filme leurs conversations et dessine ainsi, sans pathos, la vie de ces parias de la société cambodgienne. Rithy Panh réussit le prodige de filmer au plus près ces jeunes femmes détruites, sans jamais tomber dans le voyeurisme ou la pitié. Le film, parfois insoutenable, est une plongée directe au plus profond de la détresse. Il a remporté un FIPA d'or au Festival international de programmes audiovisuels de 2007. Mais "Le papier ne peut pas envelopper la braise" (le titre est tiré d'une phrase prononcée par une des jeunes femmes) est aussi et surtout captivant en raison du regard que porte le cinéaste sur ces prostituées, et par ricochet, sur le Cambodge contemporain. "Je n'ai pas filmé la misère, j'ai filmé la parole", explique à l'AFP Rithy Panh. "C'est un film pour être avec ces personnes, pas un film sur ces personnes", ajoute-t-il. Le cinéaste a passé quelque dix-huit mois avec ces jeunes femmes, les filmant par intermittence. Les Khmers rouges ne sont mentionnés qu'une seule fois, lors d'une conversation entre une des prostituées et sa mère, rescapée des camps. "Tu trouves que ta vie est dure?", demande la mère incrédule à sa fille prostituée. Mais le génocide est présent en filigrane pendant tout le film. "La différence entre la guerre et un génocide, c'est qu'avec la guerre, on se bat puis on fait la paix", selon Rithy Panh. "Le génocide est semblable à une irradiation, qui atteint l'identité d'un pays et se transmet de génération en génération. Les mères ne peuvent plus s'occuper de leurs enfants, longtemps". "Si l'on n'a pas jugé les crimes les plus graves, pourquoi une maquerelle n'aurait-elle pas le droit d'exploiter les filles et les clients de leur taper dessus?", souligne le cinéaste, faisant allusion à l'impunité dont ont bénéficié jusqu'à présent les anciens responsables Khmers rouges. Lutter contre l'amnésie dont souffre son pays est au centre de l'oeuvre bâtie depuis vingt ans ans par Rithy Panh, auteur notamment du magnifique "S21, la machine khmère rouge". Le cinéaste a passé son adolescence dans les camps de travail avant de s'échapper et de venir à Paris étudier le cinéma. "Les films ne changent pas le monde", mais "faire des films sur le Cambodge actuel est la meilleure façon de montrer que les Khmers rouges ne sont pas parvenus à nous détruire", déclare-t-il. "Pour ces filles, il est trop tard. Comment faire pour que leurs enfants ne tombent pas eux aussi?".
Rédaction
30 mars 2007
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