Arte
 

Rédaction
16 mars 2007

Sahara, 1er mai 1962. Deux mois après la fin de la guerre d'Algérie, la France procède à un essai nucléaire souterrain, censé être "propre". Mais un nuage radioactif s'échappe et contamine des militaires, sans qu'aucune précaution n'ait été prise. "Vive la bombe!", fiction-choc de Jean-Pierre Sinapi, diffusée ce soir à 20h40, retrace minutieusement cette page sombre de l'histoire militaire française, avec un scénario qui tient en haleine et une interprétation remarquable. Après l'explosion aérienne de la bombe A à Reggane en 1960, la France passe aux essais souterrains. Un essai (nom de code: "Béryl") est réalisé dans une montagne en mai 1962, après la fin de la guerre, les accords d'Evian laissant à la France le droit d'exploiter une partie du désert. Paris veut alors devenir une puissance moderne et redoutée, et l'atome en est la clé. Pierre Messmer, ministre des Armées, et Gaston Palewski, ministre de la Recherche scientifique, viennent assister à l'évènement, dans une ambiance un peu euphorique. Le risque de fuite est considéré comme négligeable, écarté d'emblée, malgré un avertissement lancé par un géologue. Rien n'est prévu ni pour protéger ni pour évacuer militaires et populations locales en cas d'accident. Au moment de l'explosion pourtant, la roche se fissure. De jeunes militaires envoyés en avant-poste à trois kilomètres de là, sans tenue de protection, se retrouvent sous le nuage radioactif. Ils restent des heures, dans l'attente d'ordres d'évacuation qui ne viendront jamais... Irradiés à des doses importantes - mais non mortelles - ils devront être confinés plusieurs semaines, dans le plus grand secret. La fiction, tournée au Maroc, est réalisée à partir de nombreux témoignages de vétérans et de scientifiques, explique le co-scénariste, Daniel Tonachella, un gaulliste qui a voulu rendre justice aux "irradiés de la République". "A l'époque, l'atome était censé résoudre tous les problèmes", analyse-t-il. Bien que romancé, le téléfilm "retrace fidèlement notre histoire", confie Pierre Leroy, membre de l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven, 3.500 membres), qui a assisté à l'accident du "Béryl". L'Aven estime que plusieurs milliers de personnes ont été victimes des essais nucléaires français dans le Sahara (1960 à 1966) et en Polynésie (1966 à 1996), même s'il "n'est pas possible d'en évaluer le nombre exact faute d'accès aux archives classées secret-défense", explique-t-il. "Nous avons mené une enquête auprès de nos membres: sur 1.600 réponses, il a été constaté un taux de maladies cancéreuses de 34%", dit-il. Les neuf militaires qui se sont retrouvés sous le fameux nuage "ont beaucoup de mal à en parler encore aujourd'hui". L'Aven dénonce le "blocage" auquel elle se heurte. D'anciens militaires ont demandé une pension d'invalidité, accordée par les tribunaux, mais le ministère de la Défense a systématiquement fait appel. "On espère que ce film fera bouger les choses", conclut M. Leroy. "Vive la bombe!" a été primé meilleur film au festival de la fiction TV de Saint-Tropez.

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