Poison d'avril", première fiction du grand réalisateur de documentaires William Karel, suit la vie d'une rédaction télévisée lors des semaines précédant le 21 avril 2002: diffusé ce soir, à 20h40, sur Arte trois mois avant l'élection présidentielle de 2007, ce film, très engagé, fait l'effet d'une claque. Début mars 2002, Simon (Bruno Todeschini), journaliste aux dents longues, est engagé comme directeur de l'information pour redynamiser l'audience en berne d'une chaîne de télévision. Charles (Olivier Gourmet), le rédacteur en chef, qui faisait office de "garde-fou", doit quitter son poste pour aller au chevet de son père mourant. C'est sur le poste de télévision de la chambre d'hôpital qu'il assiste à la couverture télévisée de la campagne électorale. Très vite, la chaîne délaisse les sujets "compliqués" (donc "pas vendeurs" ou "délicats") pour s'engouffrer dans la brèche de l'insécurité, qui devient le sujet moteur des semaines précédant le scrutin. "Poison d'avril" est une fiction, que William Karel qualifie de "comédie grinçante". Le réalisateur a travaillé avec les verbatim de campagne et lu la soixantaine de livres sur l'élection présidentielle de 2002. Tout ce qui est raconté dans le film est "authentique", précise-t-il. La fin de l'histoire est connue. Mais le film garde tout du long une tension dramatique, grâce à un scénario sans temps mort et une interprétation au cordeau (avec une Anne Brochet parfaite en rédactrice en chef adjointe peu à peu dépassée). "Poison d'avril" permet surtout de revivre, en accéléré, une page de l'histoire récente qui a marqué la vie politique française. Des sondages ne donnant pas cher de Le Pen aux erreurs de la campagne de Jospin, en passant par les images de Paul Voise (un vieillard agressé chez lui par des inconnus quelques jours avant le premier tour), le film déroule sept semaines de campagne, du 5 mars au 21 avril 2002. Avec en filigrane une couverture télévisée, jusqu'à la nausée, "de la montée inexorable de l'insécurité". William Karel a utilisé de nombreux extraits d'archives de cette période, dont l'effet, cinq ans plus tard, est assassin: on y revoit Jospin, partant d'un grand rire incrédule lorsqu'un journaliste l'interroge sur un possible second tour Chirac-Le Pen, Chirac parlant de longues minutes pour ne finalement pas répondre à une question sur le financement de ses vacances à l'île Maurice... Pour raconter la vie d'une rédaction télévisée fictive, le réalisateur s'est inspiré des deux mois passés au sein de celle de France 2 pour son documentaire "Le journal commence à 20H00" (1999). Et l'auteur de "Poison d'avril" est malin. Il nous montre une présentatrice blonde (fictive), qui commente des images d'insécurité le regard mouillé. Aux télespectateurs qui trouvent ces scènes caricaturales, il balance les images d'un (vrai) journal de France 2 de l'époque, avec un présentateur allant encore plus loin dans la dramatisation. Façon de montrer que son film est en fait en-dessous de la réalité.
Rédaction
19 janvier 2007
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