Rédaction
7 avril 2001

Les journalistes de la chaîne indépendante russe NTV, passée dans le giron du géant gazier Gazprom contrôlé par l'Etat, ont refusé de céder à la nouvelle direction qui n'a toujours pas pris possession des locaux. La recherche d'un compromis s'annonce difficile. Le conflit autour de la seule chaîne russe indépendante d'audience nationale se poursuit alors que des inquiétudes sont exprimées à l'étranger. Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a dit suivre l'affaire "avec inquiétude", et a annoncé qu'il entendait l'évoquer avec le président russe Vladimir Poutine au sommet germano-russe lundi et mardi à Saint-Pétersbourg. Le Conseil de l'Europe a quant à lui indiqué qu'il "s'inquiète de l'indépendance des médias en Russie" à la suite de l'affaire NTV. En Russie, Gazprom n'a guère rencontré que le soutien d'une organisation d'écrivains nationalistes, vitupérant contre NTV au motif de "la culture et la morale" nationales, alors que l'Union des journalistes russes annonçait une manifestation de soutien à la chaîne pour samedi. Venu rencontrer l'équipe de NTV dans les locaux de la chaîne, le patron de la filiale Gazprom-Media du géant gazier, Alfred Kokh, qui a été nommé mardi à la tête du nouveau conseil d'administration, n'a guère obtenu de fléchissement de la part des journalistes, soudés autour du directeur général démis Evgueni Kisselev, fondateur de NTV. Les deux parties ont convenu de se réunir de nouveau vendredi dans les locaux de Media-Most, le groupe de presse indépendant qui contrôlait NTV jusqu'à présent. NTV, qui n'avait diffusé depuis mardi que des bulletins d'information, a repris ses programmes habituels dans la journée, indiquant cependant "ne pas renoncer à sa résistance" contre la perte de son indépendance. Venu chercher dans l'après-midi "les tampons officiels ainsi que les attributs du pouvoir", un représentant de Boris Jordan, l'homme d'affaires américain d'origine russe nommé directeur général de la chaîne à la place de M. Kisselev, était reparti bredouille, a affirmé un avocat de NTV, Iouri Bagraïev. Gazprom-Media avait de son côté refusé jeudi matin le moratoire de trois mois sur "tout changement de direction ou de ligne rédactionnelle au sein de NTV" proposé mercredi par Media-Most. Cette proposition était motivée par l'accord --dont les détails financiers n'ont pas été révélés-- survenu entre Media-Most et un consortium étranger mené par le magnat américain Ted Turner sur l'achat d'un paquet d'actions de NTV appartenant au patron de Media-Most, Vladimir Goussinski. Le département d'Etat américain, indiquant qu'il "avait suivi de près" le bras de fer autour de NTV, a exprimé son soutien à l'initiative de M. Turner. Par ailleurs, des représentants du milliardaire russe Boris Berezovski ont indiqué que celui-ci avait rencontré Vladimir Goussinski en Espagne pour évoquer la possibilité de créer une nouvelle télévision nationale indépendante en Russie en unissant deux de leurs chaînes régionales. M. Goussinski est en résidence surveillée en Espagne à la demande de Moscou qui réclame son extradition pour "escroquerie". M. Berezovski, également en délicatesse avec le Kremlin, et réfugié à l'étranger après une convocation de la justice russe, fournirait sa chaîne moscovite TV-6, alors que M. Goussinski apporterait la télévision TNT, bien implantée en province, selon ces sources.

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